Le lavoir de Fermanville

Le comble de l’épouvante se situe en le lavoir de Fermanville. De l’œil exercé d‘une muse je l’ai appris, un  soir, au bord des eaux stagnantes et moussues. Si vous bavez au creux de ce trou indigne des ruines abandonnées de l’inspiration, il naît une réaction de gaz échappés de toute expression. Le sondage de ces ondes relève du voyage à travers la fange, enfantées par le Styx dont elles sont la résurgence ignoble. Caressez avec moi l’espoir de vous y soustraire. 

Au bord des eaux stagnantes et moussues

Le 17 Octobre 2017. C.B.

L’enfantôme

christophemedaillon

 

 

 

Je vous présente un enfantôme
Qui de sa vie fut le symptôme
À cette femme inconsolée
Dont cependant je vais parler.
Il ne vécut que quelques mois
Avant que la mort en émoi
Ne se dresse à son chevet
Avec un goût d’inachevé :
« -Tu dois partir avant ton temps;
Quitter ce monde tambour battant,
Au gros de tous ces naufragés,
En ruines parmi les passagers.  »
En ruines de ce qui ne fut pas,
Déjà frappé par le trépas,
Abandonné de son histoire,
Perdu en une âme transitoire.
La mère va vivre de cette absence
Comme si la mort prenait un sens
Pour elle, celui d’une ombre jetée
À jamais sur l’humanité.
Elle ne peut pas s’en dégager,
De son Treizième jusqu’à Angers.
Anne, sa fille est du voyage
Telle une complice, partout, sans âge.
Elle évoque parfois de ce sang
Comme une image du présent,
Le résultat d’une invention
Qui fixerait son affection
Très au delà de ce qui fut
Jusqu’à de la mort le refus
D’entre les autres disparus,
Là où elle ne l’a jamais crue.
Pour elle, sa fille est une aura,
Le rêve enfui qui ne sera
En vrai qu’une ombre où elle projette
Les fantasmes dont elle est sujette.
Mais après elle met au monde
Une autre enfant qui est seconde
À porter les couleurs du nom
Comme si cette sœur montait au front,
En du deuil la seule héritière
Pour unique entrée en matière,
Avec en charge de succéder
Au fantôme d’une décédée.
Vaste programme que cette carrière
Où l’on dépasse ses arrières
Contrainte par une rivalité
Qui est tout à fait inventée.
Car la mère entretient la fièvre
Et de la morte et de son rêve,
Qu’assez souvent, elle nomme, elle cite
Comme une preuve de la réussite.
« -Anne aurait été conquérante,
Une jeune femme très différente
De toi, et beaucoup plus ma fille
Que toi, au sens de la famille.  »
Elle s’en prend aussi à son homme
Qu’en des coups vengeurs elle assomme
De toute sa rage accumulée
Tant du couple, elle se sent volée.
Un jour de brouille du genre sanglant,
Un échange de propos cinglants
Oppose le gendre à la vieille femme,
Et le tout roule en mots infâmes.
Il lui sort d’un flot assassin
Une formule à dessein :
« -D’abord, vous avez tué Anne !  »
Dès lors, une nouvelle ombre plane.
Sa vie n’est plus qu’une défense
Contre le sort, contre l’offense,
Contre la lame plantée en elle
Qui coule d’un sang éternel.
Mais sa fille a pris la relève
De ses deux enfants qu’elle élève.
Ils sont ceux-là, d’Anne, les neveux,
Depuis les ongles jusqu’aux cheveux.
Ils lui valent comme une descendance,
Sans le savoir, une accordance,
Avec ce qui rayonne encore
D’elle, loin de l’âme ou bien du corps.

Le 17 avril 2016.

C.B.