Arrachés aux songes

Avant de les écrire il se passe comme un rêve
Où il faut que la nuit de tous ses points s’achève
En laissant place à l’âme qui se veut productive
Et développe ainsi toutes ses forces actives.
En un mot ou en cent, si la prose est au beau,
Il me faut rameuter de mes phrases le troupeau.
Alors, je lâche mon chien qui va chercher des pistes
Et dès lors cabriole en se croyant artiste.
Les premiers mots du jour sont arrachés au songe;
Pourtant j’ai toujours peur qu’ils se ruinent en mensonges,
Qu’ils se dérobent à moi, au fruit de mes idées,
Et livrent sans saveur une pros’ mal possédée.
Car ce qu’il faut en outre, c’est leur donner un sens,
Quand tout mon caberlot peine à la croissance,
Et c’est quand erre au vide l’objet de mes pensées
Que je dois préparer du text’ la traversée.
Il s’agit en effet d’en être le nautonier
De ces mots hasardés, sans pour autant les nier.
Il me faut les conduire à travers tous les autres,
Sans en oublier un qui ne soit pas des nôtres.
Je suis le responsable de toute ma création,
Dont il me faut d’emblée contrôler la passion,
Et si je tire les mots du profond de mon âme
C’est que je m’y écris ad vitam aeternam.

Le 21. 02. 2021. C.B.

A l’horizon du temps

Assez souvent je planque, afin de ne rien faire,
Ce qui de la planète n’arrange pas les affaires.
Mais je tire du plaisir à me rendre inutile,
A ne pas être rentable en un but mercantile.

Ca me remplit de joie de me perdre ainsi,
A l’horizon du temps où je me tiens assis.
Je suis pas un vieux sage pour me la ramener
Et tirer avantage du nombre des années,

La jouer en ancien à qui on la fait pas,
Car je le sais trop bien de l’aurore au trépas
On n’apprend rien du tout que cet art d’être seul,
Encore plus dév’loppé dès qu’on ouvre sa gueule.

Alors, j’use mes forces, à l’horizon du temps,
En isolé péquin que personne n’attend.
Je vais en solitaire par les lieux désolés.
Où jamais ne se risquent que des ombres affolées.

Et là je cherche après mes frères disparus
A convoquer le charme par des vers de mon cru.
Oui le charme existe des sites les plus sordides
Comme si une âme naissait de ce qu’on croit le vide.

Une trace invisible saluant notre passage
Et qui répand de nous une espèce de message.
Tous ces riens d’abandon me forment une famille
Une sorte de peuple où les présences fourmillent.

Oui, je suis habitué par tout ce qui n’est pas
Où l’absence se traduit sur le fil de mes pas.
Plus j’avance, moins je suis de la réalité,
Comme si de deux fantômes mon être enfanté

Arpentait des espaces sans cesse repoussés.
Je suis bien plus perdu que le Petit Poucet.
D’où pourrais-je les voir les traces de mon vécu
Rien que le temps d’une fois en un simple aperçu ?

Montrez-là moi enfin celle qui est mon histoire
Que je me plonge au fond en l’eau de son miroir.
Elle me fuit de toute part comme si j’étais un autre,
Elle ne veut se montrer ni à moi ni aux autres.

Ma vie est une perte perpétuelle du temps
Un passé aboli de plusieurs fois cent ans.
Je voudrais la cacher qu’elle serait déjà morte
Sans m’ouvrir de mon antre toutes grandes les portes.

Vous, les secrets enfouis, parlez-moi de  mes jours,
Instruisez-moi un peu et cela sans détour,
De ce que j’ai manqué et qui m’est bien perdu
A l’horizon du temps où ma fin est rendue.

Je n’ai plus le ressort pour illustrer ma vie
Ni d’inventer encore au fil de mon envie,
Aussi, ai-je décidé à l’ombre de ma fin
De ne pas me tenir comme quelqu’un qui feint.

 

Le 8.2.2020. C.B.

Un vol de flamme

Un feu passe sur la lande à une faible hauteur ainsi qu’un message provenant de l’oubli. Il n’a nulle provenance et pas plus de point où se poser. Il traverse les nuits par là où personne n’est, comme s’il cherchait le monde en son absence profonde. Il explore par le vide les espaces désolés où sa flamme affolée exprime ce qui n’est plus en dehors de son vol. Un vol de flamme à ras de lande s’en va visiter les ruines d’une abbaye où se tiennent aujourd’hui des ombres. Un ruisseau abreuve le silence où je me trouve au bord de l’onde.

Le 26. 10. 2019. C.B.

En trop

Il me manque des ruines pour exprimer le vide au delà d’où je songe, comme si j’étais de trop. Oui,je me sens de trop par tout le temps lassé, où même d’être seul n’aboutit qu’à un leurre. Rien ne se remet avec toi que le lien de l’absence. Où es-tu sans fantôme à croiser sur le chemin du deuil. Je me cherche une âme tellement je me perds à bout de souvenance. Je me perds car je me sens en trop, à la charge de la solitude qui ne me porte plus. Si seulement le chant me venait de ta voix…

Le 25 mars 2018. C.B.

On dirait que les autres ne t’inspirent pas

Moi seul, avec moustache

On ne répond pas à sa muse sur un ton agacé : « – Quoi ?!….  »

Sinon, elle vous renvoie  en vos cordes…. Elle vous coupe les vivres. L’inspiration tombe mahousse au creux du vide.

« – On dirait que les autres ne t’inspirent plus…. ?  » fait-elle sur un petit ton pervers de faiseuse d’horizon. Que lui répondre ? Comment parer ? Je suis en crainte. J’ai été traité de gros sac à vin, et d’outre pleine de rouge par elle, et j’en conçois la plaie béante d’un homme seul. Elle m’abandonne. Mais pas tant que ça à vrai dire. Elle feint… Ce qu’elle veut afin de revenir, c’est le quitus à mon âme. Alors, elle me visite par un beau cauchemar où je me sens inutile, sans avenir, sans connaissance.

Elle s’en vient me consoler pour reconstruire sur la base de mes ruines.

Moralité : saucisson et pinard

Le 29 mai 2017.
C.B.

Représentation

Orienté vers de lointaines contrées je vais me promener sans but à travers des espaces vides. Il n’y a rien là que le pas de l’ailleurs à s’aventurer en dehors de présences. Rien que de l’absence qui se nourrit de nous. Je conçois que ces lieux conviennent à mon errance. Ils s’ouvrent très au delà de ce qu’ils représentent en des fuites que ne limite aucun bord du fini. Je me meus avec l’art recherché des fantômes associés au réel. Ces monts désolés s’abandonnent à des ombres sans âme sur la crête de ruines qui ne sont là que pour mes yeux.

 

Le 11 décembre 2016.

C.B.