Je connais la technique

Pour me tuer, je n’ai besoin de personne. Je connais la technique qui consiste à vouloir se fondre en un ailleurs. À partir du moment où je ne puis devenir ce que je peux, il me faut revenir aux sources de la vie par le chemin de retour. Le suicide est une longue gestation dans le ventre de l’oubli… des autres.

Le 28 mars 2022.
C.B.

Sans provenance

J’entre en un cimetière tout moussu qui compte parmi ses tombes une ruine de sculpture, que l’on ne reconnaît guère qu’au songe qui en émane et se révèle par une présence de l’ailleurs où le regard se pose. Devant cet homme en pierre taillée je cherche la femme à lui dédiée entre des ombres sans provenance.

Le 30 janvier 2022.
C.B.

Les ondes du Styx

Ce que j’en bois et en boirai de ces eaux noires au fond de mon bol. Les ondes du Styx sont aussi sombres que le café, et j’en absorbe de quoi abreuver le fleuve de mes veines. L’on l’ignore, mais me traverse une Loire de couleur noire de laquelle je suis l’Anjou.

Le 28 janvier 2022.
C.B.

La longue histoire qui me manque

Je rencontre en un autre temps, un autre lieu, une autre approche, une forme dessinée en l’ombre, comme si tirée de son errance elle courait son chemin vers moi. Cette ombre est fraîche au soir, toute sortie de l’oubli où elle se plonge d’ordinaire, et elle ramène à la surface de mes songes la longue histoire qui me manque.

Le 10 janvier 2022.
C.B.

Sans suite

Je la connais de loin ; rien qu’une silhouette ;
Mais il ne s’agit pas d’un miroir aux alouettes.
Je la connais de vue comme une amie de nuit,
Attachée et discrète à tout ce qui s’enfuit.
Elle incarne la déesse de ce qui est sans suite,
De ce qui s’évanouit et dont le temps hérite.

Le 21 janvier 2021.
C.B.

Morne plaine

Pour moi, Waterloo morne plaine, c’est sur le champ de Tian’anmen. Il se trouve jonché de toutes les ombres de ce peuple devenu la proie des maoïstes et de leurs suiveurs. Je vois les ombres de Tian’anmen hanter les coulisses du collectivisme et se hisser comme âmes en peine sur le tarmac de l’oubli.

Où sont les mannes de Tian’anmen ? En la richesse qui se promène à travers tout mon souvenir.

Le 03 Janvier 2022. C.B.

En compagnie de mon ennui

En compagnie de mon ennui, je suis allé me consoler aux obsèques d’un con célèbre auquel la foule rendait hommage. Les uns les autres citaient son nom comme une marque de qualité du niveau de leur ignorance, car le plus beau en tout cela était leur absence de goût pour la mort.

Il faut marner à un combustible des solitaires pour apprécier de se rendre en aussi semblable société dispensée autour d’un mort. Elle ne sait pas en profiter. Elle l’évacue comme disparu. Alors qu’il sait que je commande à son ailleurs.

Le 27 décembre 2021. C.B.

Deux de la nuit

Arrivés par l’on ne sait où sur le profond d’une nuit précoce, ils vont tous deux par des chemins tracés d’errance, comme si la suite de leur pas marquait d’oubli nombre d’endroits. Ils se retrouvent parmi les morts qui ne sont pas de ce pays. Mais eux se risquent parfois en des lieux où seule mon âme a ses entrées. L’on se rencontre à la dérobe entre les ombres de nos absences, à la façon de ses amants qui ne se peuvent afficher.

Le couple ainsi formé des deux se rend là où les sites accueillent sa solitude de voyageurs qui s’abandonnent et se transportent de place en place. Moi qui sais par où ils s’aventurent, je m’en remets à ne pas les trouver. Car leur fortune réside en somme qu’à ne dépayser les songes.

Le 21 12 2021. C.B.

D’un coin de désespoir ou mon âme se rend
Je me fais un domaine où je suis sur les rangs
Du monde des tristesses de mes contemporains
Qui quoi qu’il se dérobe, j’en connais tout un brin !
Je sais les gisements d’où flambe la misère
Qui fait des abandons de notre âme un désert,
Et suis au rendez-vous de sombres aventures
Où les drames se jouent en plus vrai que nature.
Je vous sais sans ressources, je vous sais sans abri
Contre le flot d’angoisse qui charrie ses débris
Et qui s’accroche à vous pour mieux vous entraîner
Au sein de la débine et des succédanés.
Des paradis perdus arrosés de picole.
Je vous sais en étau entre les deux écoles
Que vous sont la fumette et sa frangine des rues
Adoptées de vos us ainsi que de grands crus.

Le 09.122021. C.B.