Tu me reconnais pas ?

De passage en une rue montante, après un cimetière j’aperçois un chat couché. Il demande rien à personne, sauf que de me voir passer par là. Il a l’air des plus mal en point avant même que je ne sois sur lui. Il se traîne comme un cadavre vivant ravagé par un mal qui fait sourdre de la mousse en un coin de ses lèvres. J’ai cette formule où je résume tout mon trouble : « -Tu me reconnais pas  ? « 

Je ne sais si c’est ma voix qui le charme plus encore, mais il rampe en se tordant de convulsions avec le regard fixe comme s’il fermait déjà son âme. Je ne puis rien faire en face de ce pauvre marcou réduit à l’état de larve. Je ne dispose pas de trousse de médecin. Mon impuissance me suit cependant très au delà de la rencontre. Je pense à lui, à mon matou. Je pense que je n’ai pas eu les mots qu’il faut en semblable circonstance.

Aurais-je dû lui causer de la camarde qui le guettait ? Etais-je capable de me trouver à son trépas ? Je ne sais qu’une phrase à lui dire maintenant que je l’ai quitté : « -Je ne suis pas loin. Je ne suis pas loin… « 

C’est juste un baume sur sa douleur qui me révèle que je ne peux lui parler vraiment, qu’il m’est chagrin sans que j’y puisse…

Ce que je redoute, c’est qu’on ne le ramasse, tout incapable à se défendre qu’il est, et que de la sorte un autre ne me vole sa fin.

 

Le 20 octobre 2018. C.B.

Au devant de rien

Au devant de rien. Ma vie repose sur le fait d’aller au devant de rien en une époque où l’on veut notre bien à tous. Moi, ce que je me souhaite c’est pas du bien, mais c’est du rien ! Je veux ma part de rien, de ce rien qui me revient. Je sais en mesurer ma quantité de ce rien dont j’ai besoin. Car j’ai besoin de rien, mais ça m’ suffit.

Celui qui laisse filer son rien perd beaucoup de sa niaque. Mon droit à vivre provient du partage de ce rien où chacun pioche. Est-ce j’ai bien à moi ma véritable part de rien, et pas celle d’un autre. Je voudrais comparer nos riens en connaissance de cause. se valent-ils ?

Je trace ma route à partir de rien parce que j’en sais par où me conduire. Cependant, les routes de rien mènent à loin. Comme les chats ont le sommeil pour s’évader, moi j’ai le rien en mes bagages, gage d’oubli. Et il suffit qu’il se dérobe pour que je cherche après son manque.

                                                                                                                                                                                                                         Le 4 août 2018. C.B.

À Erwan

J’ai en moi un terrain favorable à la paresse, où je me penche sur mes ruines, et je me cherche encore une âme qui soit l’alliée de mes heures de repos. Je la trouve en ma chatte, cette âme.

Ma marcouze, qui sait très bien m’accompagner jusqu’à où se love l’inspiration de la sieste sous l’influence d’une lune à naître. Elle m’y conduit, tant elle tient en elle la preuve du premier chat qui y rêva, bien avant l’homme qui y marcha.

Le 10 mars 2017.

C.B.

Votre regard est d’âme

 

Chats insondables, votre regard est d’âme
Et nous fascine comme d’un feu les flammes.
Entrons en douce à pattes de satin
Partager le frisson de vos câlins.
Si vous ne saisissez pas qui nous sommes
Depuis toute la profondeur de vos sommes,
Au simple contact vous vous autorisez
Car de nos ondes, vous vous électrisez.
Vous nous maniez selon vos bons plaisirs
Et vos caprices qu’il est bon de saisir.
Par surcroît vous hantez les ruines du spleen
Dont vous exploitez la richesse des mines.
Au hasard de vos nocturnes aventures
Où vous vous tissez une créature;
Celle qui s’échappe du fond de vos prunelles,
Vous puisez au savoir originel.
Vous chats, vous êtes les âmes itinérantes,
Les fantômes d’êtres de ces formes errantes
Que l’on rencontre sans jamais les connaître
Parce que chez vous la parole ne peut naître.

Le 11 décembre 2016.

CB.

 

 

christophemedaillonJe l’ai perdue cent fois avant qu’elle ne soit morte. Pas même écrasée ainsi que je le redoutais, mais d’une fin de chatte agonisant avant la fosse commune qui les attend tous, tous les greffiers, les clébards. Elle a croisé la camarde au fond des ses pupilles, et l’autre, invitée, a mis les bouts à son âme comme l’on prend des parts au chagrin qui nous tient compagnie aussi fort que l’absence. Elle a trouvé les ruines à son passage.

 

Le 15 septembre 2016

C.B.

 

La liesse aux fées

     christophemedaillonUne première fois j’y vais en bécane me promener par là. Sans idée préconçue autre que d’aimer les bois qui m’inspirent à la fois peur et attirance. C’est déjà toute une histoire de se trouver seul parmi les arbres et les plantes qui caressent à leur pied le sol. C’est toute une découverte sans fin. Mais je ne pourrais voir l’ensemble, trop étendu, et moi ça m’ouvre tellement l’esprit que je devrais y retourner. D’abord, je m’absente, je retourne chez moi, et deux jours plus tard je me repointe au même endroit pour me garer. Que me raconte cette nouvelle visite ? J’ai envie de faire le tour du proprio… La nature modifie si vite sa parure qu’il me semble être en un pays nouveau, où je puis aller, l’âme au devant. Je marche parmi les feuilles mouillées des pluies récentes. Mes yeux fouillent la forêt tout en long et peu large en comparaison, avec ce plaisir de la révéler par le simple plaisir d’y être.

     En cette heure abandonnée, il n’y pas le moindre péquin en vue pour troubler mon aventure solitaire. J’ai bien entendu des voix, venues du fond des allées, mais pas de mon côté. J’évolue seule. Je me dis que ça me va fort bien. Ma solitude est mon alliée comme si le poste j’occupais de l’épouser par toutes ses formes.  Qu’y-a-t-il de plus complet que la solitude ? Elle vous remet le monde entre vos mains. Elle vous le confie, abandonné à votre seule guise. Il n’y a pas de chemin imposé où le pas se pose, et par là où je vais il me semble que je n’ai d’autre souci que de gouverner l’ailleurs. Je marche pas par un sentier. Je suis au gré de mon envie à travers bois. Je roule de tout mon être, comme en vadrouille au sein de l’espace. Le feuillage me caresse encore par place à son contact, comme si la forêt me confiait à l’oreille : « -Tout le plaisir est pour moi, vous savez… « 

C’est à l’occasion de cette sorte d’échange que je vois des pierres au sol, mais pas de simples roches poussées là comme les dents apparentes de la terre, non des blocs taillés, mais disséminés le long de ma visite désormais. Il n’y en a que quelques unes, mais elles forment un chapelet à distance régulière. Sur quoi débouche ce râtelier des bois ? Je n’en sais rien, et peu à peu cet éboulis de pierres semées cède la place à un chaos minéral,  plus loin. Je suis certes surpris de cette présence en forêt mais je décide de pousser mon avantage parmi les arbres. Et alors là, moi qui me croyais seul, je m’aperçois que tout plein de chats occupent les parages. Ils sont de toutes les sortes, mâles et femelles, habitants des pierres comme de leur royaume. Je caresse ce peuple d’un regard en visite. Tout ce déballage de pierres en forêt leur sied au poil, tellement qu’ils en ont le secret, dérobé à la vue. J’en vois, certains des greffiers disparaître par je ne sais où, au moyen de ce qui me paraît être une fuite ni plus ni moins de la circulation. J’approche. En réalité, ils entrent sous terre par une fente ouverte comme pratiqué à leur intention.

« -Que voulez-vous spécialement monsieur ? Je puis vous aider, si vous y tenez… « 

Je sursaute à cette présence soudaine, je me retourne et je vise une femme, campée là, le poing au côté, qui me toise avec l’air décidé d’une nature dont la paix est troublée. La créature sourit maintenant, comme les yeux habillés du charme échappé de son âme. Quel étrange rencard devant lequel je reste coït. Quoi lui dire ? Je ne sais que formuler de phrases.  Ca ne vient pas. Je lui cause pas par mutisme, non, mais parce que je crois que l’essentiel est ailleurs; à partir de l’écoute que j’ai d’elle. Le chant de son grelot conduit mes songes. Je la regarde avec le chien qu’elle a de sa tournure; un galbe du râble que c’en est une invite.

« -Je ne suis pas seule vous savez… « 

 Je m’attends à ce qu’elle sorte de sa compagnie un cavalier attaché à ses services. Mais c’est une autre société dont elle me vante la présence.

« -Je ne suis pas seule vous savez… Elle me dit ça tout aussi à l’aise que si elle me montrait ses nèfles. Désirez-vous un de réconfort face à ce monde contemporain qui vous englobe ? J’ai des ouvertures pour un repos de l’âme avec des créatures de ma nature. Est-ce que ça vous dit de tenter l’aventure proposée ?

-Mais où ?

-Suivez-moi. Seulement, auparavant, je vous demande de vous engager à demeurer discret quand à votre expérience… « 

 L’offre me paraît alléchante et je réponds : « -Je suis votre homme…

-En ce cas, prouvez-le ! « 

Les échos de la suite ne sont pas disponibles, mais les ruines conservent leur version de ce qui fut une nouba des sens.

                                                                                                                                                                                                                             Le 01 mars 2016.

                                                                                                                                                                                                                                         C.B.

Votre visite nous honore

Il était flanqué d’un chat noir en guise d’aminche; un greffier entre sa femme et lui. Ses trois rejetons se pointèrent après, et quand chacun fut là; d’eux, de nous, il commença : « -J’ai grand plaisir à vous recevoir mes amis. Je dois vous le dire, vous êtes nos seuls hôtes depuis longtemps… Le monde nous boude comme des absents; autant que la société moderne ces ruines qui se racontent par leur seule présence. Mais votre visite nous honore et notre demeure sera la votre… « 

                                                                                                                                                              Le 11 novembre 2013.

C.B.