Marck Winter

Il s’appelle Marck Winter

Sous un blason d’emprunt il s’appelle Marck Winter,
Et savez-vous comment je connais son mystère
À celui qui s’illustre sur la fange et la honte
Au service du démon dont son oeuvre est la ponte ?

Je le sais en son antre où personne ne pénètre
Hormis les créatures enfantées par son être.
Je le sais en puissance de ce chibre démoniaque
Pour lequel par les nuits il refourgue sa niaque.

Jeunes femmes abandonnées, tremblez de tous vos sens,
Car ce bougre se veut de votre connaissance !
Fuyez par tous les diables au loin de sa rencontre
Et protégez votre âme avant qu’il ne se montre.

Le 15 mai 2018. C.B.

Un visiteur

Je recherche les occasions
Où mon sens de l’observation
Peut se nourrir de ces secrets
Qui chez les autres sont encrés.

D’observer seul ne suffit pas;
Il faut aussi se mettre au pas
De ce mental de mon prochain
Avec lequel je suis en train….

J’échange de façon non connue
À l’insu de mon inconnue,
Et en revanche est-ce-qu’elle sait
Qu’à elle je dois tout mon succès ?

L’âme se visite par la fiction
En de multiples apparitions,
Qui me ménage une voie vers vous
Sans nous fixer de rendez-vous.

Un jour ou l’autre je lui serai
Un visiteur venu d’après,
Un visiteur du souvenir
Parce qu’il a su lui venir,

À cette femme et la peupler
De son monde à lui isolé,
Et l’y laisser aux aventures
De ce double de sa créature.

Le 9 décembre 2017. C.B

Votre regard est d’âme

 

Chats insondables, votre regard est d’âme
Et nous fascine comme d’un feu les flammes.
Entrons en douce à pattes de satin
Partager le frisson de vos câlins.
Si vous ne saisissez pas qui nous sommes
Depuis toute la profondeur de vos sommes,
Au simple contact vous vous autorisez
Car de nos ondes, vous vous électrisez.
Vous nous maniez selon vos bons plaisirs
Et vos caprices qu’il est bon de saisir.
Par surcroît vous hantez les ruines du spleen
Dont vous exploitez la richesse des mines.
Au hasard de vos nocturnes aventures
Où vous vous tissez une créature;
Celle qui s’échappe du fond de vos prunelles,
Vous puisez au savoir originel.
Vous chats, vous êtes les âmes itinérantes,
Les fantômes d’êtres de ces formes errantes
Que l’on rencontre sans jamais les connaître
Parce que chez vous la parole ne peut naître.

Le 11 décembre 2016.

CB.

 

 

Les Friches mortes

        christophemedaillonDepuis belle lurette, les écussons aux armes des illustres familles nobles ont disparu de la circulation, et l’on peut penser raisonnablement que les plaques minéralogiques les ont remplacés. Avec les potes, nous nous amusons à les déchiffrer, quand il s’en approche une de voiture… Ce sont des amoureux la plupart du temps. De ceux qui se cherchent un coin à eux pour s’embrasser à plein goulot. Nous, on les regarde de loin, chacun sa paire de jumelles en poche dès qu’y’a bonne occase. Puis ils repartent à bord de leur tire, comme ils sont venus. Nous, on rentre souvent après ces bécotages, afin de s’en souvenir au mieux.

      Qu’il fasse mauvais temps ou que le ciel tire vers le bleu, nous sommes là sur notre territoire. On n’en connait pas partout, mais à l’usage on sait par où il faut roder. Sauf qu’un début de neuille, vers il était dix heures et quelque, nous voyons arriver une très grande caisse, le genre américain, avec des ailes relevées, et ce sans plaque. Elle s’est garée, et deux types en sont sortis, cependant que les copains et moi  nous jugeons que d’autres demeurent à l’intérieur, à surveiller les alentours. Au bout de peu de temps, on les voit aller ouvrir le coffre et en sortir des poids lourds comme des corps. Ils s’y prennent à deux et ils les déposent à trente pas de là, à l’abri des hangars de ces friches dévastées.

     Qu’est-ce qu’ils fabriquent à la lueur de lampes torches ? Pas besoin d’être grands clercs pour deviner la nature du transport. Ca tourne autour de la camarde, et pas des plats préparés. Ils transbahutent de la camelote qu’a plus de valeur sur le marché. Enfin, ça, nous on le sait pas d’emblée que ça relève d’une perte. On est au jus que de leur schtourbe nocturne. Quand ils se barrent sans autre forme de congé.

     C’est alors que du fond de la nuit où il se tenait, nous voyons s’amener un drôle de gars aux pattes arquées. Il paraît seul. De par la forme de sa gueule on le dirait tout cabossé, car il a la tournure d’un coffi avec une joue qui rentre en d’dans, et l’aspect hâve qui va avec d’un qu’a les couleurs en berne. Mais voilà qu’il est pas seul à s’activer, parce qu’on voit bientôt une créature se détacher de l’ombre pour le rejoindre. Elle se révèle pas des plus choucardes cette seconde apparition, d’une allure de femme d’une autre époque avec fichu et panier pour les courses, le genre furtif et souris grise qui passe en fraude.

     Nous, ce que nous redoutons, c’est que le couple ne devine nos mires posées sur son matricule. Moi, en cette situasse, j’aurais préféré une jolie fille qui remue des nèfles au cadencement du regard qui les suit. Je sais pas si les autres phantasment de la même sorte. Pas moyen de rouler un palot à la vioque en tout cas !

     Quand Colas, l’un de mes deux potes, il lâche à propos du bas de la goule et de sa barbouze mal taillée et filasse : « -Tu crois que c’est une vraie ?

     Lucas rétorque : -Je me tape de pas le savoir, tu vois… « 

    Les deux de la mistoufle, ils sont en charge de la récupe de ce que les autres déposent. Ils rappliquent toujours au jus. Ils nous semblent charogner. Nous nous demandons ce qu’ils boutiquent, avec une once de doute.

      Quand, en forçant les écoutilles, nous les entendons formuler : « -On va les emmener à la ferme !…  Ca s’ajout’ra à la réserve. Tu penses pas ?

-Si. En v’là en rab’ ! « 

Pour une économie durable de la conservation des restes. Le couple des deux viandards s’enfonce sous les bois avec chacun sa barbaque, vu qu’ils ont de la souplesse dans l’effort. Et nous à sa suite à quelque distance, ils rejoignent une antique caisse  en ruines par tous les bouts à bord de laquelle ils grimpent  après s’être débarrassé des moucrabes à l’arrière, en plein air, sur une plate-forme où nous montons en loucedé, tous les trois. Ca beurrouette un peu, mais on se tient au corps embarqués, cependant que la route nous chaotte tout le train au rythme de ses bosses.

      La nuit pousse ses cris ordinaires d’animaux nocturnes sur notre silence, comme nous sommes brassés avec les deux crounis. Tout y passe de peur à leur contact sans que l’on puisse s’exprimer à notre tour. Embarqués pour où qu’on ? Nous ne reconnaissons pas par où ils nous conduisent. Ca nous paraît pas du pays. Ils stoppent au beau milieu de pas plus repérable. On se tire d’avec la compagnie des morts. Va falloir faire sans eux… Quand attention  ! Soudain les voilà qui s’activent à notre terreur. Les voilà qui se bougent les compagnons de la camarde, que le seul son qui me sourd du clapet est : « -Mouia ! « 

Mes deux camarades de rien trouver à ajouter.

Mais les mots causent. Ils s’adressent au conducteur et à sa girelle : « -Venez par là les gars les filles ! Par là. On a de la visite. Et de la chouette. De la charnue… « 

       Nous sentons subito des branques tordus du caberlot. Ca dure que le temps d’une poignée de secondes. On file tout droit à travers la nuit sur le chemin de l’envers. Partis en flèche à trois. Tout se culbute à la volée des morts qui coursent à la poursuite. On a pas assez de jambes à nous trois pour distancer le quatuor. Ils ont repris leur bagnole à bord de laquelle ils gagnent du terrain, une fois fait demi tour. Mais nous on fausse l’allure, on ralentit. On se prend à diverger de leur poursuite. Tous les trois on bite que les champions de la récupe de macchabs ils en veulent aussi à nous. et l’on disparaît quelque part où la nuit est pas découverte…

                                                                                                                                                                                                     Le 17 juin 2016.

                                                                                                                                                                                                              C.B.

La liesse aux fées

     christophemedaillonUne première fois j’y vais en bécane me promener par là. Sans idée préconçue autre que d’aimer les bois qui m’inspirent à la fois peur et attirance. C’est déjà toute une histoire de se trouver seul parmi les arbres et les plantes qui caressent à leur pied le sol. C’est toute une découverte sans fin. Mais je ne pourrais voir l’ensemble, trop étendu, et moi ça m’ouvre tellement l’esprit que je devrais y retourner. D’abord, je m’absente, je retourne chez moi, et deux jours plus tard je me repointe au même endroit pour me garer. Que me raconte cette nouvelle visite ? J’ai envie de faire le tour du proprio… La nature modifie si vite sa parure qu’il me semble être en un pays nouveau, où je puis aller, l’âme au devant. Je marche parmi les feuilles mouillées des pluies récentes. Mes yeux fouillent la forêt tout en long et peu large en comparaison, avec ce plaisir de la révéler par le simple plaisir d’y être.

     En cette heure abandonnée, il n’y pas le moindre péquin en vue pour troubler mon aventure solitaire. J’ai bien entendu des voix, venues du fond des allées, mais pas de mon côté. J’évolue seule. Je me dis que ça me va fort bien. Ma solitude est mon alliée comme si le poste j’occupais de l’épouser par toutes ses formes.  Qu’y-a-t-il de plus complet que la solitude ? Elle vous remet le monde entre vos mains. Elle vous le confie, abandonné à votre seule guise. Il n’y a pas de chemin imposé où le pas se pose, et par là où je vais il me semble que je n’ai d’autre souci que de gouverner l’ailleurs. Je marche pas par un sentier. Je suis au gré de mon envie à travers bois. Je roule de tout mon être, comme en vadrouille au sein de l’espace. Le feuillage me caresse encore par place à son contact, comme si la forêt me confiait à l’oreille : « -Tout le plaisir est pour moi, vous savez… « 

C’est à l’occasion de cette sorte d’échange que je vois des pierres au sol, mais pas de simples roches poussées là comme les dents apparentes de la terre, non des blocs taillés, mais disséminés le long de ma visite désormais. Il n’y en a que quelques unes, mais elles forment un chapelet à distance régulière. Sur quoi débouche ce râtelier des bois ? Je n’en sais rien, et peu à peu cet éboulis de pierres semées cède la place à un chaos minéral,  plus loin. Je suis certes surpris de cette présence en forêt mais je décide de pousser mon avantage parmi les arbres. Et alors là, moi qui me croyais seul, je m’aperçois que tout plein de chats occupent les parages. Ils sont de toutes les sortes, mâles et femelles, habitants des pierres comme de leur royaume. Je caresse ce peuple d’un regard en visite. Tout ce déballage de pierres en forêt leur sied au poil, tellement qu’ils en ont le secret, dérobé à la vue. J’en vois, certains des greffiers disparaître par je ne sais où, au moyen de ce qui me paraît être une fuite ni plus ni moins de la circulation. J’approche. En réalité, ils entrent sous terre par une fente ouverte comme pratiqué à leur intention.

« -Que voulez-vous spécialement monsieur ? Je puis vous aider, si vous y tenez… « 

Je sursaute à cette présence soudaine, je me retourne et je vise une femme, campée là, le poing au côté, qui me toise avec l’air décidé d’une nature dont la paix est troublée. La créature sourit maintenant, comme les yeux habillés du charme échappé de son âme. Quel étrange rencard devant lequel je reste coït. Quoi lui dire ? Je ne sais que formuler de phrases.  Ca ne vient pas. Je lui cause pas par mutisme, non, mais parce que je crois que l’essentiel est ailleurs; à partir de l’écoute que j’ai d’elle. Le chant de son grelot conduit mes songes. Je la regarde avec le chien qu’elle a de sa tournure; un galbe du râble que c’en est une invite.

« -Je ne suis pas seule vous savez… « 

 Je m’attends à ce qu’elle sorte de sa compagnie un cavalier attaché à ses services. Mais c’est une autre société dont elle me vante la présence.

« -Je ne suis pas seule vous savez… Elle me dit ça tout aussi à l’aise que si elle me montrait ses nèfles. Désirez-vous un de réconfort face à ce monde contemporain qui vous englobe ? J’ai des ouvertures pour un repos de l’âme avec des créatures de ma nature. Est-ce que ça vous dit de tenter l’aventure proposée ?

-Mais où ?

-Suivez-moi. Seulement, auparavant, je vous demande de vous engager à demeurer discret quand à votre expérience… « 

 L’offre me paraît alléchante et je réponds : « -Je suis votre homme…

-En ce cas, prouvez-le ! « 

Les échos de la suite ne sont pas disponibles, mais les ruines conservent leur version de ce qui fut une nouba des sens.

                                                                                                                                                                                                                             Le 01 mars 2016.

                                                                                                                                                                                                                                         C.B.