Une grenioche

Aussi lâchée que des chiens en fuite, une femme munie d’une canne traverse la nuit par où je ne sais. Je la rencontre d’ là où je suis sans qu’elle le sache. Je me trouve au port de mes idées quand elle s’avance vers le large. Elle se découvre de par son inconnu de grenioche isolée le temps d’une vue. Là où elle va, je suis de la revue.

 

Le 9 décembre 2019. C.B.

Un visiteur

Je recherche les occasions
Où mon sens de l’observation
Peut se nourrir de ces secrets
Qui chez les autres sont encrés.

D’observer seul ne suffit pas;
Il faut aussi se mettre au pas
De ce mental de mon prochain
Avec lequel je suis en train….

J’échange de façon non connue
À l’insu de mon inconnue,
Et en revanche est-ce-qu’elle sait
Qu’à elle je dois tout mon succès ?

L’âme se visite par la fiction
En de multiples apparitions,
Qui me ménage une voie vers vous
Sans nous fixer de rendez-vous.

Un jour ou l’autre je lui serai
Un visiteur venu d’après,
Un visiteur du souvenir
Parce qu’il a su lui venir,

À cette femme et la peupler
De son monde à lui isolé,
Et l’y laisser aux aventures
De ce double de sa créature.

Le 9 décembre 2017. C.B

Je suis une ombre perdue au nombre

Déjà je suis d’oubli de vous,
Et cela me plaît je l’avoue
De rester l’inconnu de tous;
Ce péloquin qui passe en douce.

Je me promène parmi vous autres
Qui épouse d’un bord sur l’autre
Avec l’aisance d’un roi de rien
Toutes vos ondes en vrai marin

Parmi vous, je suis à la mer
Et je vais où mon pas se perd
Chercher les ruines qui se dérobent
À la surface de ce globe.

Dedans vos rangs, je suis l’absent
Au point de fuite intéressant;
Je n’ai pas le contact humain
A me frayer en vous, chemin.

Je suis le seul de ma nature
Au secret de ses aventures,
Une ombre exclue sans nul échange
Et qui jamais ne se mélange.

Je suis aussi mort que vivant,
Un moins que l’autre le plus souvent,
Mais c’est mon sort que de manquer
Après une fois tout abdiqué.

Je suis une ombre perdue au nombre,
Je suis un flou, je suis un sombre,
Pas un reflet de connaissance
Ni même un lien avec un sens.

Et cependant, je suis bien là
Aussi ailleurs que me voilà,
Sorti de la face cachée
De la lune quand elle est couchée.

Je n’ vous lâche pas par où que j’aille
Là où le monde est à la taille
De mon errance entre vos traces,
D’un bout à l’autre de votre race.

Je suis en trop, un étranger,
Ne sachant pas se mélanger;
Un qui se fond en  relations
Au domaine des apparitions.

Le 6 décembre 2017. C.B.

Les nourritures des restes

J’ai adopté une ferme à l’écart d’une forêt pour y loger mon âme où je me porte en songe. J’aime m’y réunir là… Je convoque l’inconnu du temps où se déroulait la vie. Là, il fut des repas l’hiver où l’on se réchauffait la panse à grandes lampées de jaffe. De ce milieu enfui, je garde la souvenance au chaud des restes. Je m’y invite à mon tour… Quand mon histoire toque à la porte des autres elle y rencontre une invite à exister. Je me sens moins seul d’être exilé et mes solitudes en partage. Au sein de ces autres, je suis comme en voyage ; celui qui a sa place de réservée à l’ailleurs des situasses. C’est pourquoi je me restaure du temps qui passe.

                                                                                                                                               Le 5 novembre 2013.

                                                                                                                                                              C.B

Les dents du gouffre

gueule grand gouffre Marie galante

Gueule Grand Gouffre à Marie Galante

Je connais des ruines en mer qui sont les dents du gouffre. Personne n’y va, même du large, s’y aventurer. C’est là le rêve caché de la menace d’où partent les racines du temps. Ces ruines sont seules de leur histoire à échapper par l’inconnu à toute menée. Elles rayonnent sur le trafic des âmes de toute la terre. Elles sont un carré revendiqué par le mystère. Flanquées de leurs récifs elles ressemblent aux ronces des ondes dont les épines affleurent aux côtes. Chevaux de frises ouvragés par l’écueil elles guettent les navires abandonnés aux flots. Ce sont les cris de ces naufragés qui parfois se perdent à la neuille ventée.

                                                                                                                                                  Le 3 octobre 2013.

                                                                                                                                                                   C.B.