Une fois, sans me trouver, je me promène dans le Louvre, au département des sculptures, l’âme oubliée à ne rien activer, seul ou presque en cette heure de midi où l’affluence prend un peu de repos. Je m’assieds à songer sans me soucier du reste…. Quand, quand oui, j’entends bien une voix qui parle comme à mon oreille.
« -Tu m’entends, dis, tu m’entends ? «
Je me retourne, et après examen de la situasse, je me rends compte que c’est une statue de gladiateur qui remue les lèvres. Vous pensez quelle frousse du diable m’envahit toute la structure !
« -Calme-toi mon camarade. J’ai une mission pour toi. En fait, j’attendais ta venue depuis un bail. «
Quezaco ?
« -Tu connais Frida ?
-Frida…. ?…. Oui. Je la remets. C’est votre sorte de soeur….
-C’est ça… J’ai un message à son adresse. Tu veux bien être mon émissaire ?
-Je vous écoute…. fais-je, l’envie en moi de me casser au plus vite, et d’échapper à ce manège de fou, grandeur nature. Car la statue est à ma taille, le muscle noueux, et l’énergie à fleur de marbre de tous ces siècles écoulés.
« -Mon cher ami, je te demande simplement de rapporter à Frida de me venir voir. C’est de l’ordre du possible. Il y a une place prête pour elle, et soit le personnel, soit la direction, personne n’y verra que du feu. Quand ils s’apercevront de sa présence, elle sera installée par sa seule force. Impossible de l’y déranger. Tu me crois ?
-Oui…
-J’espère tout de ton ambassade…. «
Je remets ma gapette sur mon chef et je m’en vais me ressourcer sur la base d’un bon verre de pinard. Je vous assure préférer amplement cheminer sur des ruines. Mais de la pierre sculptée, mais de la pierre taillée…
Une fois revenu en Anjou, j’hésite un tantinet sur la démarche à suivre. Et puis, un soir, invité là où réside Frida, quelque sentiment me lance. J’ai l’intérêt qui monte, et j’attends la nuit pleine pour revenir. Monté sur ma bécane, je me rends à nouveau sur place. Je rentre au jardin où se tient Frida. J’avance sans bruit, presque en l’absence de toute essence, le pas posé comme sur les traces de mon fantôme.
« -Pas tant de précautions; je suis là s’exprime Frida. Je ne dors pas.
-Je viens te voir parce que tu es aimée.
-Moi aimée ? Tu plaisantes, je suppose. Je n’ai que l’esprit et la patte de l’artiste pour me révéler.
-Tu es aimée. Je le sais !
-Par qui ?!
-Un gladiateur.
-Comment s’appelle-t-il ?
-Glaodio. Glaodio de Tyrène.
-Tu me mens pas ? qu’elle fait du fond d’une petite grotte de fraîcheur où elle loge entre la haie et la pelouse. Tu me garantis qu’il s’agit pas d’une entourloupe de ton cru ?
-Glaodio deTyrène. Je te dis ! »
Et elle prononce le nom comme je me retire.
Après ce, je me demande s’il faudra pas retourner au Louvre, voir sur place… Mais j’ai pas besoin. Je rentre chez moi où je me couche, lorsque soudain, le caberlot à l’ailleurs, je vise au beau milieu de mes papiers, deux sculptures pas plus hautes que ma main, et serrées l’une contre l’autre : Frida et Glaodio.
Il semble rire d’un bel ensemble où je me mire, en l’atelier de leur rencontre.
Le 10 mai 2017.
C.B.