L’éternel rêve humain

À Hubert-Félix THiéfaine

À depuis la nuit des temps remonte ce rêve de l’éternel humain : se voir après sa mort. J’aurais pas ce plaisir de prospérer en fantôme de mon autre. Se dépasser n’est pas de ma compétence. Je sais bien que c’est une responsabilité terrible que de ne pas rester pour ceux auxquels je conviendrai. Mais tous mes rendez-vous sont déjà pris avec l’absence. C’est ici mon point de rencontre.

Le 10 octobre 2018. C.B.

En commun

Moi qui voulais être peinard sur le tarmac de mes idées tôt le matin, la voilà qui se réveille de la surveillance de sa vioque, et si nous pouvions seulement nous bécoter en nous pelotant, mais non ! V’là la smala qui se radine des autres qui me polluent la grâce de l’aube avec leur présence. Je veux pas en être du nombre des autres. Je veux pas partager avec eux. Et ils s’imposent à ma solitude. Je ne suis pas du vivre ensemble à la con qui nous est imposé. Je veux pas que ça se passe bien entre vous et moi. Je me tape pas du mieux ou du meilleur. Je ne souhaite plus vous voir rassemblés  autour de moi, car c’est une farce que votre société ! Ce qui me convient, c’est le silence et pas de vous en comité !

Le 26 juillet 2018. C.B.

Mes contemporains

Je n’ai pas l’âme de mes contemporains. Je parle au sens où je ne suis pas en relation avec eux. Je ne suis pas de leur peuple. Je suis un autre à jamais de ce monde qui est le leurre. Ca n’est pas un caprice d’une mode inventée par mes soins. C’est un profond constat de rupture entre vous et moi. Nous ne sommes pas unis, ni divorcés, nous vivons en étrangers. Nous nous cotoyons en cela même que je ne montre pas ma différence d’avec vous. Je donne le change, mais je vous fuis de toute ma présence. Je suis issu d’une autre force que le partage.

Le 4 mars 2018. C.B.

Où l’éclairage cherche son nid I

I Par les coins sombres des sous-bois trempés où les branches perlent comme de suée, je te suivrai mon abandon au désespoir. Je te suivrai au bord des boires dont l’onde plonge son ombre au sein des gouffres. Ces lieux perdus et désolés je les voudrais me consoler au plus profond de leur chagrin. Mais pour ces nids de volupté où la tristesse n’est qu’une eau fraîche, je dois garder tout le secret de ma présence. Il ne faut pas qu’un autre de mes semblables devine un seul instant que j’ai été en ces parages. Il s’impose donc que tout oubli devienne l’écrin de mon voyage.

Le 4 mars 2018. C.B.

Eux, c’est l’inverse de Juliette et Roméo. Ils se haïssent comme il le faut. Sans rancune recuite entre familles, seul à seul, Pépa et Pedro se tirent la bourre. Mais quelque chose de gratiné pour des marcous. Sur le tombeau de ces sortes d’amours, ils en useront encore de fiel, de rancoeur, de vomissures crachantes. Ils se reconnaissent en ennemi l’un de l’autre, comme si Pepa sacralisait là le coeur de son veuvage. Pedro ne sera jamais son Tchiki claboté. Elle vit d’un mort de toute sa rage. Et c’est ainsi qu’elle reste fidèle, là où l’autre n’a pas sa place.

Le 3 mars 2018. C.B.

Je me suis rencontré en l’histoire des miens,
Ceux qui ne parlent pas, et pourtant d’où je viens,
Ceux dont l’histoire me reste à travers des photos,
En  l’absence de tout mot, et pourtant mes poteaux.

Mes camarades de classe à travers les années
Tous ceux dont la cause je n’ai pas abandonné,
Me ramènent aux autres et me forment un groupe,
Un peuple qui est à moi avec le vent en poupe !

Le 16 juin 2017. C.B.