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Là dedans, des salles tombées, des escaliers égrenés, des trous inconnus, des souterrains, des oubliettes, des murs coupés au milieu, des voûtes tenant on ne sait comment, un dédale de pierres, de crevasses où pousse l’herbe, où glissent des bêtes.

J’étais seul, rôdant par cette ruine.

Le 2 octobre 1883.[/one_half]

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Guy-de-Maupassant1

Guy de Maupassant.


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Les ruines du Petit Anjou

     christophemedaillon « -J’ai des fesses aussi !….  » entends-je souffler par la voix de la dame de derrière les buissons où je me tiens, à l’attention de l’homme qui la couvre de baisers, de caresses, le membre en action au garde à vous. Elle adore qu’on lui bouffe le fion là, en ces ruines qui jouxte la voie-ferrée désaffectée depuis belle lurette du Petit train d’Anjou. Il serpentait à travers notre province, pareil à la langue de son amant le long d’elle, autour et entre ses nèfles. Remarquez, je m’en doutais qu’elle était demandeuse, quand je l’ai vue marcher avec lui, partis de leur chignole pour aller se balader. Je les devinais avides de déployer tout leur savoir au service de leurs sens. A la première pelle roulée j’en fus certain. Je les ai suivis. Je regrette pas du tout. Ils savent y faire. Elle en indolente charmeuse qui le laisse agir, et lui en ardent chevalier du chibre. Ils se complètent si, que j’ai dû sentir d’emblée qu’ils formaient un couple de choix, moi le chercheur de bonnes causes, à l’affût des associations prometteuses. Je traque les talents sachant illustrer les coins de nature. Ecoutez, sans me vanter, je crois que j’ai le chic pour ça de dégoter les artistes du genre. Je suis une sorte de régisseur du spectacle vivant des ébats amoureux. Un agent de ces sportifs anonymes qui savent se mettre en valeur sous mon regard.

       Une autre fois, en ville, je croise l’un de ces couples tout enjoué qui se retrouve, lui le sourire aux lèvres, et elle aussi, après une courte séparation, suite à une séance où ils ont fait l’amour au terme d’années d’abstinence.  Ils sont imprégnés de cette gêne qui constitue les vrais retours en tendresse. Ils viennent de s’aimer en un lieu historique et s’en ouvrent encore du fruit de ce secret.

« -Et vous, vous en pensez quoi de la cuisse ?  » telle a été la forme de leurs retrouvailles, comme s’ils ne connaissaient pas, parmi un public, dans les anciennes ruines  proches du cloître Toussaint. Ils pensent à ces gestes d’il y a peu avec la même fièvre que tout à l’heure, en la Tour Sain-Aubin. Je les réchauffe pour eux en toute complicité maintenant qu’ils s’aiment comme deux autres. Mais je les sais unis par moi qui suis à égale distance d’eux au sein des péquins où je rumine de nouvelles aventures pour vous…

Le 05 mars 2016.

                                                                                                                        C.B.

La liesse aux fées

     christophemedaillonUne première fois j’y vais en bécane me promener par là. Sans idée préconçue autre que d’aimer les bois qui m’inspirent à la fois peur et attirance. C’est déjà toute une histoire de se trouver seul parmi les arbres et les plantes qui caressent à leur pied le sol. C’est toute une découverte sans fin. Mais je ne pourrais voir l’ensemble, trop étendu, et moi ça m’ouvre tellement l’esprit que je devrais y retourner. D’abord, je m’absente, je retourne chez moi, et deux jours plus tard je me repointe au même endroit pour me garer. Que me raconte cette nouvelle visite ? J’ai envie de faire le tour du proprio… La nature modifie si vite sa parure qu’il me semble être en un pays nouveau, où je puis aller, l’âme au devant. Je marche parmi les feuilles mouillées des pluies récentes. Mes yeux fouillent la forêt tout en long et peu large en comparaison, avec ce plaisir de la révéler par le simple plaisir d’y être.

     En cette heure abandonnée, il n’y pas le moindre péquin en vue pour troubler mon aventure solitaire. J’ai bien entendu des voix, venues du fond des allées, mais pas de mon côté. J’évolue seule. Je me dis que ça me va fort bien. Ma solitude est mon alliée comme si le poste j’occupais de l’épouser par toutes ses formes.  Qu’y-a-t-il de plus complet que la solitude ? Elle vous remet le monde entre vos mains. Elle vous le confie, abandonné à votre seule guise. Il n’y a pas de chemin imposé où le pas se pose, et par là où je vais il me semble que je n’ai d’autre souci que de gouverner l’ailleurs. Je marche pas par un sentier. Je suis au gré de mon envie à travers bois. Je roule de tout mon être, comme en vadrouille au sein de l’espace. Le feuillage me caresse encore par place à son contact, comme si la forêt me confiait à l’oreille : « -Tout le plaisir est pour moi, vous savez… « 

C’est à l’occasion de cette sorte d’échange que je vois des pierres au sol, mais pas de simples roches poussées là comme les dents apparentes de la terre, non des blocs taillés, mais disséminés le long de ma visite désormais. Il n’y en a que quelques unes, mais elles forment un chapelet à distance régulière. Sur quoi débouche ce râtelier des bois ? Je n’en sais rien, et peu à peu cet éboulis de pierres semées cède la place à un chaos minéral,  plus loin. Je suis certes surpris de cette présence en forêt mais je décide de pousser mon avantage parmi les arbres. Et alors là, moi qui me croyais seul, je m’aperçois que tout plein de chats occupent les parages. Ils sont de toutes les sortes, mâles et femelles, habitants des pierres comme de leur royaume. Je caresse ce peuple d’un regard en visite. Tout ce déballage de pierres en forêt leur sied au poil, tellement qu’ils en ont le secret, dérobé à la vue. J’en vois, certains des greffiers disparaître par je ne sais où, au moyen de ce qui me paraît être une fuite ni plus ni moins de la circulation. J’approche. En réalité, ils entrent sous terre par une fente ouverte comme pratiqué à leur intention.

« -Que voulez-vous spécialement monsieur ? Je puis vous aider, si vous y tenez… « 

Je sursaute à cette présence soudaine, je me retourne et je vise une femme, campée là, le poing au côté, qui me toise avec l’air décidé d’une nature dont la paix est troublée. La créature sourit maintenant, comme les yeux habillés du charme échappé de son âme. Quel étrange rencard devant lequel je reste coït. Quoi lui dire ? Je ne sais que formuler de phrases.  Ca ne vient pas. Je lui cause pas par mutisme, non, mais parce que je crois que l’essentiel est ailleurs; à partir de l’écoute que j’ai d’elle. Le chant de son grelot conduit mes songes. Je la regarde avec le chien qu’elle a de sa tournure; un galbe du râble que c’en est une invite.

« -Je ne suis pas seule vous savez… « 

 Je m’attends à ce qu’elle sorte de sa compagnie un cavalier attaché à ses services. Mais c’est une autre société dont elle me vante la présence.

« -Je ne suis pas seule vous savez… Elle me dit ça tout aussi à l’aise que si elle me montrait ses nèfles. Désirez-vous un de réconfort face à ce monde contemporain qui vous englobe ? J’ai des ouvertures pour un repos de l’âme avec des créatures de ma nature. Est-ce que ça vous dit de tenter l’aventure proposée ?

-Mais où ?

-Suivez-moi. Seulement, auparavant, je vous demande de vous engager à demeurer discret quand à votre expérience… « 

 L’offre me paraît alléchante et je réponds : « -Je suis votre homme…

-En ce cas, prouvez-le ! « 

Les échos de la suite ne sont pas disponibles, mais les ruines conservent leur version de ce qui fut une nouba des sens.

                                                                                                                                                                                                                             Le 01 mars 2016.

                                                                                                                                                                                                                                         C.B.

christophemedaillonAvec ses yeux de chloroforme qui endorment les choses là où ils se posent, elle veille sur les ruines la chatte au regard perçant de visionnaire enchantée de tout ce qui se présente à sa portée. Elle a de longues écoutilles pour détecter les bruits suspects, et une queue qui rampe comme un serpent à la recherche de l’ailleurs des présences. Car elle devine aussi les passages fantômes de ce qui exista.

Et, quand elle ronronne, sachez que ce doux chant caresse votre âme entre les ombres.

Le 26 février 2016.

C.B.

 

     Il leva ses filets, et il jetait les poissons à ses pieds avec des gestes de pêcheur biblique. Puis il me voulut promener jusqu’au bout du marécage, et soudain j’aperçus, sur l’autre bord, une ruine, une chaumière éventrée dont le mur portait une croix, une croix énorme et rouge, qu’on aurait dit tracée avec du sang, sous les dernières lueurs du soleil couchant.

                                                                                                                                                                                          Guy de Maupassant.

                                                                                                                                                                                           Le 28 février 1883.