Je ne suis pas un poête; je suis un homme en ruines. Je caresse les époques comme on se lève à l’aube en le but d’être utile en dépit de ce fait que je me crois futile. Je suis un rapporté à la situasse, un élément qui se grise de songes à l’ailleurs. C’est pour ça que je manque à toutes vos rencontres. Je rate les rencards avec tous les autres tant je ne vois leur âme qu’au regard de l’absence. J’ai pas le talent d’inventer ceux qui me viennent visiter. je suis en retard sur l’invite de l’inspiration.

 

Le 18 juillet 2020. C.B.

Assemblés par le songe

Sans le savoir elle est sa femme, et ce au delà des années perdues. Elle a de lui la tournure claudiquante d’une pauvre chiffe articulée par une tourmente intérieure. Elle ne sait quand elle mourra pour l’aller retrouver. Car il attend qu’elle soit la sienne. Ils sont de ces couples de rencontre assemblés par le songe.

Lui, il est mort, mais pas du souvenir, et elle, l’épouse de Quasimodo, il faut qu’elle gagne ses lettres de noblesse à la misère de ce monde, comme si une oeuvre l’appelait à être sa dame.

Le 29 juin 2020. C.B.

Blanche

Du plus lointain de ma jeunesse je la remets
Comme si nous nous aimions tous les deux à jamais.
Nous formons un vieux couple par delà les années
Entraîné l’un par l’autre à se bien ramener
Au service de la prose tout au cours de la feuille
Afin de conjurer l’inspiration en deuil.
Je suis allié à Blanche sur le long de mes pages
Par tous mes personnages en un aréopage.
Et quand je suis perdu, elle vient me rechercher
Tout comme un naufragé, collé à son rocher.
Blanche est mon seul fantôme, couché sur le papier,
Où elle se définit au long de douze pieds.

Le 06.05.2020. C.B.

Supplément d’ailleurs

Où vont se loger les impressions qu’on a en rêve et qui nous apparaissent, aussitôt enfuies ? Nous vont-elle tapisser un musée  à nos âmes dérobé ? Sont-elles ces bribes envolées les productions où notre inconscient livre ses œuvres complètes ? Je décide d’une rétrospective de tout ce qui m’échappe, comme un supplément d’ailleurs.

Le 29 avril 2020. C.B.

A mon père

Longtemps après ma mort je serai de ce monde
Comme un qui cherche encore à donner de ses ondes,
Le meilleur de l’oubli dont il sera paré.
Quand je serai de vous pour toujours séparé
Je parlerai encore par mon âme d’aujourd’hui,
Car l’objet d’une pensée en rien ne se réduit.
Je vous serai un autre, présent quoi que perdu,
Je serai de nos morts, toute tendance confondue.
Longtemps après ma mort, je serai de l’absence
Celle qui donne à la vie entre nous tout son sens.

Le 27.04.2020. C.B.