À ma mère

Je recherche une jeune fille toute seule, perdue en l’ombre de l’histoire. D’elle, je ne sais que de l’absence. L’homme seul est un vestige dont elle se pare afin de m’aborder par des signes égarés comme le bruit d’animaux surpris la nuit, ou des stations prolongées sur des ruines en forêt. Le soir, je vais sans elle me porter à des songes… Je m’oublie à y converser le temps de mon somme, comme si son âme me venait visiter au repos. Je ne cherche pas d’autre contact avec elle que ce manque qui est la ruine de mon sentiment.

Les 11 et 22 décembre 2016.

C.B.

Représentation

Orienté vers de lointaines contrées je vais me promener sans but à travers des espaces vides. Il n’y a rien là que le pas de l’ailleurs à s’aventurer en dehors de présences. Rien que de l’absence qui se nourrit de nous. Je conçois que ces lieux conviennent à mon errance. Ils s’ouvrent très au delà de ce qu’ils représentent en des fuites que ne limite aucun bord du fini. Je me meus avec l’art recherché des fantômes associés au réel. Ces monts désolés s’abandonnent à des ombres sans âme sur la crête de ruines qui ne sont là que pour mes yeux.

 

Le 11 décembre 2016.

C.B.

christophemedaillonJe l’ai perdue cent fois avant qu’elle ne soit morte. Pas même écrasée ainsi que je le redoutais, mais d’une fin de chatte agonisant avant la fosse commune qui les attend tous, tous les greffiers, les clébards. Elle a croisé la camarde au fond des ses pupilles, et l’autre, invitée, a mis les bouts à son âme comme l’on prend des parts au chagrin qui nous tient compagnie aussi fort que l’absence. Elle a trouvé les ruines à son passage.

 

Le 15 septembre 2016

C.B.

 

Ombre choisie

christophemedaillonLa chevelure brune de ma mère couvre de nuit mes songes isolés. Lorsque je pense à elle, elle ne vient qu’au terme d’une longue attente, où je la sais ombre choisie. Ma mère se meut en tout silence où elle vécut en son absence. Le chant de ruines de sa parole fut de se taire. Elle se tue pour tous ceux qui jacassent en pure perte de mots oubliés. Elle renseigna sa biographie de la manière la plus discrète, à la faveur des errances où se lovèrent des inquiétudes soupirées. Il me subsiste comme un souffle d’elle là où je vais m’abandonner. Il ne me reste que d’y penser, et c’est mince pour se dépasser, tant j’aimerais à mon tour lui manquer.

                                                                                                                                                                                                             Le 6 juillet 2016.

                                                                                                                                                                                                                       C.B.

La fenêtre aveugle de ruines sans nom

        christophemedaillonElle vient en ambassade de ses sœurs et des portes murées, ainsi que des murs orbes. Elle  vient en ambassade de ce qui ne se voit pas. Elle a une ombre ouverte sur son absence de vue. La fenêtre aveugle de ruines sans nom demeure debout comme l’œil fixe d’une âme. C’est une blessure aux soins des apparences. Elle vise au large de l’ailleurs une sorte d’oubli de tout l’espace dont elle dispose en tant que close. Elle s’arrache aux portes du temps sans souvenir de cette époque où elle croisait les courants d’air. Elle n’a de souffle que de l’enfui.

        La fenêtre aveugle de ruines sans nom, vous pouvez vous poster derrière elle, et ne savoir que rien du tout, car c’est de son obturation même que vient le flot de se sauver pour elle. Cet œil fermé joue les absents sous le voile d’une peau en pierre comme une taie à tout jamais.

        Elle chasse le passé ainsi que de la poudre au vent. Elle en dispense la poussière au gré des songes de l’oubli… Elle a du grain de lune enfiévré sous la peau qu’elle révèle à la nuit, comme si elle était de sa face cachée le supplément sur terre. La fenêtre aveugle de ruines sans nom poursuit la pensée du moindre péquin qui passe, pourvu qu’il y pose un instant un peu de son regard.

                                                                                                                                                                                                                  Le 23 mai 2016.

                                                                                                                                                                                                                            C.B.

Le double de nos apparences

christophemedaillon

 

 

 

Elle se tape du Rince-Cochon
À la taverne de la soif
Là où cette nuit nous couchons
A l’abri du vent qui décoiffe.
Elle est seule à se régaler
Mais ça va pas la désoler
Car elle se vit en société
Avec de quoi se contenter.
Elle lit dans l’ombre des paroles
Tout ce qui ruine les rapports
Entre les gens qui jouent un rôle
Et dont l’absence est le support.
Elle vit des riens abandonnés
Par nous, une fois le dos tourné.
Elle est une âme à nos errances;
Le double de nos apparences.

Le 6 mai 2016.

C.B.

Sous les ruines du temple

christophemedaillonJe suis absent au monde parce que j’ai mieux à faire que le tour de sa ronde où gravitent les autres. Je suis absent au monde, non pas par caprice, mais par souci de me réserver une place à la face cachée des choses. Je suis situé sous les ruines du temple comme un gaspard planqué, solitaire, mais aussi proche de ses frères. Je suis le rat des vieilles pierres démolies à la recherche des poésies de ce qui fut, et je lis le silence comme les pages les meilleures de l’oubli.

Le 16 avril 2016.

C.B.

 

À Caroline

christophemedaillon Caroline  nourrissait en son sein un joli cœur  de ruines, jamais reconstituées, et saignantes encore quand je les ai trouvées, penché sur cet ailleurs qui nous relie aux morts. Elle y enveloppait la mémoire envolée d’une princesse aux aurores. Ses ruines à elle battaient d’une âme en deuil. Sa souvenance fournissait à la rupture entre deux êtres. Le songe d’une perte l’a poursuivi toute une vie comme ces fantômes qui se présentent au creux du manque. Mais le pire en cette absence de sa chair volée par la camarde, c’est que jamais elles ne se retrouveront. Même ça, reste à l’état de deuil.

Le 2 avril 2016.

C.B.

Le secret des ruines

            De cheminer, nous allons loin vers chez nous, transportant le secret des ruines. De nouvelles, inconnues jusque-là nous apparaissent. Un paysage tout emporté de destruction, de ravages jusqu’à l’ailleurs de notre vue. Le temps semble traduire en désolation notre absence, comme si le monde courait à sa perte sans nous. Par où s’y retrouver une piste ?

                                                                                                                                              Le 10 juin 2014.

                                                                                                                                                          C.B.

Votre visite nous honore

Il était flanqué d’un chat noir en guise d’aminche; un greffier entre sa femme et lui. Ses trois rejetons se pointèrent après, et quand chacun fut là; d’eux, de nous, il commença : « -J’ai grand plaisir à vous recevoir mes amis. Je dois vous le dire, vous êtes nos seuls hôtes depuis longtemps… Le monde nous boude comme des absents; autant que la société moderne ces ruines qui se racontent par leur seule présence. Mais votre visite nous honore et notre demeure sera la votre… « 

                                                                                                                                                              Le 11 novembre 2013.

C.B.