Le père Lachaise

Le triste sire qui sévit au sein des vérandas

Le triste sire qui sévit au sein des vérandas

Regardez bien parmi les bris ces actes de la barbarie la plus active du triste sire qui sévit au sein des vérandas. Il démembre de pauvres fauteuils rien que du poids de sa carcasse. D’un simple objet l’âme il  casse, sans se soucier de sa souffrance. Faiseur de ruines, il se mesure à ses dégâts sur les sièges de tous acabits. C’est un artiste que ce briseur de masse inerte.  Quand à Angers, ce sont des balcons qui s’effondrent, lui il préfère le mobilier. On tombe de moins haut. Et à propos de sépulture, pour lui ça sent le sapin, même si le fauteuil est en plastoc. Le père Lachaise guette en coulisse après les exploits de cet imposteur au trône de l’Élu.

Le  5 novembre 2016.

C.B.

Un univers

Un univers christophemedaillon

En ses pensées ma mère conçut un univers
S’étendant bien plus loin que l’ailleurs de mes vers.
Je ne savais alors comment y aborder
Quand j’étais jeune garçon et plein de mes idées.

Aujourd’hui je le puis, et à travers l’histoire
De ce que fut son âme je me promène à voir.
Je défriche les espaces où elle s’abandonnait
Au contrée de son rêve, comme si je lui venais.

C’est sur ce champ de ruines où m’amènent mes pas
Que je parcours les songes de ce qui l’occupa,
Et que j’en garde en moi le contact avec elle
Ancré bien plus profond que n’importe lequel.

Le 25 septembre 2016.

C.B.

Voltige de fumée

            christophemedaillonJe possède une pipe en terre qui provient d’autour les pierres de ruines. elle a le tirage d’une cheminée et j’y fume du tabac de vue, de celui qui ouvre des visions. Je l’utilise les nuits troublées de tempête où je mélange mon caporal à de la cendre de défunt, afin que cela calme mon repos. L’âme transportée par cette voltige de fumée je me sens plein de cet ailleurs de ce qui fut. Solitaire accompagné de songes, je caresse des mirages enveloppés d’oubli, que je tire de ce fond où s’abîment les autres.

                         Septembre 2016.

                                   C.B.

christophemedaillonJe l’ai perdue cent fois avant qu’elle ne soit morte. Pas même écrasée ainsi que je le redoutais, mais d’une fin de chatte agonisant avant la fosse commune qui les attend tous, tous les greffiers, les clébards. Elle a croisé la camarde au fond des ses pupilles, et l’autre, invitée, a mis les bouts à son âme comme l’on prend des parts au chagrin qui nous tient compagnie aussi fort que l’absence. Elle a trouvé les ruines à son passage.

 

Le 15 septembre 2016

C.B.

 

À de mes ruines la fenêtre

christophemedaillon

Allongée sur mes écrits
Elle ne pousse aucun cri
Sauf un soupir de bien être
À de mes ruines la fenêtre.
Elle se livre à du ménage
Entre les mots et les pages
De ces textes dont elle s’imprègne
Y signant ainsi son règne.
Ma chatte inspire mes papiers,
Et de mes vers jusqu’à mes pieds
Elle est une âme pour ma prose,
De son poil à sa langue rose.

Le 7 juillet 2016.

C.B.

 

La fenêtre aveugle de ruines sans nom

        christophemedaillonElle vient en ambassade de ses sœurs et des portes murées, ainsi que des murs orbes. Elle  vient en ambassade de ce qui ne se voit pas. Elle a une ombre ouverte sur son absence de vue. La fenêtre aveugle de ruines sans nom demeure debout comme l’œil fixe d’une âme. C’est une blessure aux soins des apparences. Elle vise au large de l’ailleurs une sorte d’oubli de tout l’espace dont elle dispose en tant que close. Elle s’arrache aux portes du temps sans souvenir de cette époque où elle croisait les courants d’air. Elle n’a de souffle que de l’enfui.

        La fenêtre aveugle de ruines sans nom, vous pouvez vous poster derrière elle, et ne savoir que rien du tout, car c’est de son obturation même que vient le flot de se sauver pour elle. Cet œil fermé joue les absents sous le voile d’une peau en pierre comme une taie à tout jamais.

        Elle chasse le passé ainsi que de la poudre au vent. Elle en dispense la poussière au gré des songes de l’oubli… Elle a du grain de lune enfiévré sous la peau qu’elle révèle à la nuit, comme si elle était de sa face cachée le supplément sur terre. La fenêtre aveugle de ruines sans nom poursuit la pensée du moindre péquin qui passe, pourvu qu’il y pose un instant un peu de son regard.

                                                                                                                                                                                                                  Le 23 mai 2016.

                                                                                                                                                                                                                            C.B.

Le double de nos apparences

christophemedaillon

 

 

 

Elle se tape du Rince-Cochon
À la taverne de la soif
Là où cette nuit nous couchons
A l’abri du vent qui décoiffe.
Elle est seule à se régaler
Mais ça va pas la désoler
Car elle se vit en société
Avec de quoi se contenter.
Elle lit dans l’ombre des paroles
Tout ce qui ruine les rapports
Entre les gens qui jouent un rôle
Et dont l’absence est le support.
Elle vit des riens abandonnés
Par nous, une fois le dos tourné.
Elle est une âme à nos errances;
Le double de nos apparences.

Le 6 mai 2016.

C.B.

L’enfantôme

christophemedaillon

 

 

 

Je vous présente un enfantôme
Qui de sa vie fut le symptôme
À cette femme inconsolée
Dont cependant je vais parler.
Il ne vécut que quelques mois
Avant que la mort en émoi
Ne se dresse à son chevet
Avec un goût d’inachevé :
« -Tu dois partir avant ton temps;
Quitter ce monde tambour battant,
Au gros de tous ces naufragés,
En ruines parmi les passagers.  »
En ruines de ce qui ne fut pas,
Déjà frappé par le trépas,
Abandonné de son histoire,
Perdu en une âme transitoire.
La mère va vivre de cette absence
Comme si la mort prenait un sens
Pour elle, celui d’une ombre jetée
À jamais sur l’humanité.
Elle ne peut pas s’en dégager,
De son Treizième jusqu’à Angers.
Anne, sa fille est du voyage
Telle une complice, partout, sans âge.
Elle évoque parfois de ce sang
Comme une image du présent,
Le résultat d’une invention
Qui fixerait son affection
Très au delà de ce qui fut
Jusqu’à de la mort le refus
D’entre les autres disparus,
Là où elle ne l’a jamais crue.
Pour elle, sa fille est une aura,
Le rêve enfui qui ne sera
En vrai qu’une ombre où elle projette
Les fantasmes dont elle est sujette.
Mais après elle met au monde
Une autre enfant qui est seconde
À porter les couleurs du nom
Comme si cette sœur montait au front,
En du deuil la seule héritière
Pour unique entrée en matière,
Avec en charge de succéder
Au fantôme d’une décédée.
Vaste programme que cette carrière
Où l’on dépasse ses arrières
Contrainte par une rivalité
Qui est tout à fait inventée.
Car la mère entretient la fièvre
Et de la morte et de son rêve,
Qu’assez souvent, elle nomme, elle cite
Comme une preuve de la réussite.
« -Anne aurait été conquérante,
Une jeune femme très différente
De toi, et beaucoup plus ma fille
Que toi, au sens de la famille.  »
Elle s’en prend aussi à son homme
Qu’en des coups vengeurs elle assomme
De toute sa rage accumulée
Tant du couple, elle se sent volée.
Un jour de brouille du genre sanglant,
Un échange de propos cinglants
Oppose le gendre à la vieille femme,
Et le tout roule en mots infâmes.
Il lui sort d’un flot assassin
Une formule à dessein :
« -D’abord, vous avez tué Anne !  »
Dès lors, une nouvelle ombre plane.
Sa vie n’est plus qu’une défense
Contre le sort, contre l’offense,
Contre la lame plantée en elle
Qui coule d’un sang éternel.
Mais sa fille a pris la relève
De ses deux enfants qu’elle élève.
Ils sont ceux-là, d’Anne, les neveux,
Depuis les ongles jusqu’aux cheveux.
Ils lui valent comme une descendance,
Sans le savoir, une accordance,
Avec ce qui rayonne encore
D’elle, loin de l’âme ou bien du corps.

Le 17 avril 2016.

C.B.

À Caroline

christophemedaillon Caroline  nourrissait en son sein un joli cœur  de ruines, jamais reconstituées, et saignantes encore quand je les ai trouvées, penché sur cet ailleurs qui nous relie aux morts. Elle y enveloppait la mémoire envolée d’une princesse aux aurores. Ses ruines à elle battaient d’une âme en deuil. Sa souvenance fournissait à la rupture entre deux êtres. Le songe d’une perte l’a poursuivi toute une vie comme ces fantômes qui se présentent au creux du manque. Mais le pire en cette absence de sa chair volée par la camarde, c’est que jamais elles ne se retrouveront. Même ça, reste à l’état de deuil.

Le 2 avril 2016.

C.B.