Auteur : christophe bourdais
Les rochers comme des ruines
Ce court texte sert de préambule à la visite de ruines rencontrées au hasard de mes pas.
Par un dédale de galeries en ruine, en compagnie de mon fidèle Ratsou, je suis entré au creux du domaine, là où tout n’est qu’histoire du temps jadis et chaque pierre à elle seule la preuve d’un monde enfoui. C’est là ma terre de construction du temps. Là où les aubes se renouvellent avec des ferveurs de connaissance de ce qui fut. Les ruines sont le lieu où l’esprit songe à ne pas oublier. Mais ça n’est pas une faveur accordée. Avec elles, l’on voyage au-delà de ces jours enfouis sous le silence.
On les habite par un ailleurs.
Combien de fois me suis-je logé au creux de ces pierres abandonnées afin d’y lire et d’y écrire ? Souvent je m’imprègne du calme répandu de ces vies à deviner. Je m’inspire de l’absence enserrée en ces murs. J’y vis un monde d’invention et d’intuition mêlées où je dépose mes aventures. Les ruines sont bien un lieu de dépôt. Je m’y sens d’une richesse d’encre. Toute la sève de mes écrits y coule et se répand en ordre de mots à l’appel de la suite.
C.B. Le 18/08/2013
Extrait de L’ensorcelée, Barbey d’Aurevilly
Ni ruines, ni mendiants, ni terres vagues
Alors, sous ce règne de l’épais génie des aises physiques qu’on prend pour de la Civilisation et du Progrès, il n’y aura ni ruines, ni mendiants, ni terres vagues, ni superstitions comme celles qui vont faire le sujet de cette histoire, si la sagesse de notre temps veut bien nous permettre de la raconter.
Au secret des lieux
En marge d’une promenade en chignole nous venions de nous arrêter à hauteur d’un domaine viticole, un peu plus loin sur une pelouse, au bord de la route. Ça devait pas convenir à tout le monde, car à une croisée, des volets s’ouvrirent et une femme nous signifia sans nous chasser que ça n’était pas un parking. On s’éloigna en la priant de nous excuser. On rejoignit les caves où stationnaient des voitures de luxe à proximité, et ce sans entrer. Nous fîmes un petit détour par un champ, et pris d’une envie je me soulageais, alors que ma compagne surprit ensuite une ferme tout en ruine sur l’autre bord de la route. Je m’approchais à mon tour comme elle photographiait l’ensemble des murs et des toits effondrés.
« -Je travaille pour toi ! » me lança-t-elle.
Ce fut le déclic ces quelques mots. Je me mis à imaginer la suite… L’histoire des lieux. D’où venait-elle par le temps me visiter ? Cet endroit abandonné parlait à mon âme, et je fus tout ouïe. Se déversait en moi de sa voix muette la confidence de ce qui d’ordinaire ne livre qu’un froid mutisme. Je n’étais plus l’étranger aux choses. L’ancien vivait au neuf du renouveau.
Et ça se causait en mon écoute de l’histoire des lieux : « -Où as-tu mis mes affûtiaux ?
-Là où ils pendent tu les trouv’ras si tu y cherches… » répondait l’homme à sa fermière, il y a de ça un temps jadis.
Moi, devant la porte en grille et le haut ouvert sur du bois arraché je les vis disparaître derrière des arbres ces personnages. Perdus en des pensées. Je ne sus rien que plus de ce bref échange, mais il nourrit une fièvre de connaissance chez moi.
C.B. le 19/08/2013
La chute de la maison Usher – Edgar Allan Poe
Un noir et lugubre étang…
Il était possible, pensais-je, qu’une simple différence dans l’arrangement des matériaux de la décoration, des détails du tableau, suffit pour modifier, pour annihiler peut-être cette puissance d’impression douloureuse ; et, agissant d’après cette idée, je conduisis mon cheval vers le bord escarpé d’un noir et lugubre étang, qui, miroir immobile, s’étalait devant le bâtiment ; et je regardai — mais avec un frisson plus pénétrant encore que la première fois — les images répercutées et renversées des joncs grisâtres, des troncs d’arbres sinistres, et des fenêtres semblables à des yeux sans pensée.