Un visiteur

Je recherche les occasions
Où mon sens de l’observation
Peut se nourrir de ces secrets
Qui chez les autres sont encrés.

D’observer seul ne suffit pas;
Il faut aussi se mettre au pas
De ce mental de mon prochain
Avec lequel je suis en train….

J’échange de façon non connue
À l’insu de mon inconnue,
Et en revanche est-ce-qu’elle sait
Qu’à elle je dois tout mon succès ?

L’âme se visite par la fiction
En de multiples apparitions,
Qui me ménage une voie vers vous
Sans nous fixer de rendez-vous.

Un jour ou l’autre je lui serai
Un visiteur venu d’après,
Un visiteur du souvenir
Parce qu’il a su lui venir,

À cette femme et la peupler
De son monde à lui isolé,
Et l’y laisser aux aventures
De ce double de sa créature.

Le 9 décembre 2017. C.B

Je suis une ombre perdue au nombre

Déjà je suis d’oubli de vous,
Et cela me plaît je l’avoue
De rester l’inconnu de tous;
Ce péloquin qui passe en douce.

Je me promène parmi vous autres
Qui épouse d’un bord sur l’autre
Avec l’aisance d’un roi de rien
Toutes vos ondes en vrai marin

Parmi vous, je suis à la mer
Et je vais où mon pas se perd
Chercher les ruines qui se dérobent
À la surface de ce globe.

Dedans vos rangs, je suis l’absent
Au point de fuite intéressant;
Je n’ai pas le contact humain
A me frayer en vous, chemin.

Je suis le seul de ma nature
Au secret de ses aventures,
Une ombre exclue sans nul échange
Et qui jamais ne se mélange.

Je suis aussi mort que vivant,
Un moins que l’autre le plus souvent,
Mais c’est mon sort que de manquer
Après une fois tout abdiqué.

Je suis une ombre perdue au nombre,
Je suis un flou, je suis un sombre,
Pas un reflet de connaissance
Ni même un lien avec un sens.

Et cependant, je suis bien là
Aussi ailleurs que me voilà,
Sorti de la face cachée
De la lune quand elle est couchée.

Je n’ vous lâche pas par où que j’aille
Là où le monde est à la taille
De mon errance entre vos traces,
D’un bout à l’autre de votre race.

Je suis en trop, un étranger,
Ne sachant pas se mélanger;
Un qui se fond en  relations
Au domaine des apparitions.

Le 6 décembre 2017. C.B.

Où mon père…

Venu du bord de tout oubli, j’ai rencontré un mien perdu, au commencement de la nuit où l’ombre porte en ses replis comme le fruit d’une liaison. Il m’a parlé du cimetière où l’on croit qu’il est conservé, quand c’est des ruines dont il se pare pour résider. Il m’a dit de ne pas chercher un début à leur découverte, car lui seul peut me contacter. Les ruines secrète de son absence forment l’endroit de mes regrets.

Le 10 novembre 2017. C.B.

La tour

Souvent, je vais à la tour dotée d’une grille en défense de sa porte. J’y viens là par les jours où le monde est ennui. J’y passe à l’ombre des heures apaisées, comme si j’y habitais de toute mon histoire. Que ce soit une ruine d’où l’on veille la côte me la fait ressembler à la vigie des mers, la chambre secrète où les grands espaces me viennent visiter.

                                                                                                                                                                   Le 26 mai 2017.

                                                                                                                                                                            C.B.

De Tombelaine…..

Je suis de Tombelaine, la ruine rien qu’éboulis. Je suis moi son fantôme, parmi les ronces. Je suis  « Le roi de rien  » d’un désert d’îlot. J’hante les souterrains qui mènent de ce lieu à Blanche Roche, sous le sol  de la Manche. Je suis le rescapé des ambiances fumeuses par où le ventre de la Terre émet des vents secrets. Comme à Jersey ou Guernesey, l’exil s’exprime entre les flots. La nuit, les sons de cloches se répondent comme des phares sonores qui zèbrent d’effrayance le silence des côtes.

Blanche Roche à marée haute, Fermanville (50)

Le 1er avril 2017.

C.B.

La liesse aux fées

     christophemedaillonUne première fois j’y vais en bécane me promener par là. Sans idée préconçue autre que d’aimer les bois qui m’inspirent à la fois peur et attirance. C’est déjà toute une histoire de se trouver seul parmi les arbres et les plantes qui caressent à leur pied le sol. C’est toute une découverte sans fin. Mais je ne pourrais voir l’ensemble, trop étendu, et moi ça m’ouvre tellement l’esprit que je devrais y retourner. D’abord, je m’absente, je retourne chez moi, et deux jours plus tard je me repointe au même endroit pour me garer. Que me raconte cette nouvelle visite ? J’ai envie de faire le tour du proprio… La nature modifie si vite sa parure qu’il me semble être en un pays nouveau, où je puis aller, l’âme au devant. Je marche parmi les feuilles mouillées des pluies récentes. Mes yeux fouillent la forêt tout en long et peu large en comparaison, avec ce plaisir de la révéler par le simple plaisir d’y être.

     En cette heure abandonnée, il n’y pas le moindre péquin en vue pour troubler mon aventure solitaire. J’ai bien entendu des voix, venues du fond des allées, mais pas de mon côté. J’évolue seule. Je me dis que ça me va fort bien. Ma solitude est mon alliée comme si le poste j’occupais de l’épouser par toutes ses formes.  Qu’y-a-t-il de plus complet que la solitude ? Elle vous remet le monde entre vos mains. Elle vous le confie, abandonné à votre seule guise. Il n’y a pas de chemin imposé où le pas se pose, et par là où je vais il me semble que je n’ai d’autre souci que de gouverner l’ailleurs. Je marche pas par un sentier. Je suis au gré de mon envie à travers bois. Je roule de tout mon être, comme en vadrouille au sein de l’espace. Le feuillage me caresse encore par place à son contact, comme si la forêt me confiait à l’oreille : « -Tout le plaisir est pour moi, vous savez… « 

C’est à l’occasion de cette sorte d’échange que je vois des pierres au sol, mais pas de simples roches poussées là comme les dents apparentes de la terre, non des blocs taillés, mais disséminés le long de ma visite désormais. Il n’y en a que quelques unes, mais elles forment un chapelet à distance régulière. Sur quoi débouche ce râtelier des bois ? Je n’en sais rien, et peu à peu cet éboulis de pierres semées cède la place à un chaos minéral,  plus loin. Je suis certes surpris de cette présence en forêt mais je décide de pousser mon avantage parmi les arbres. Et alors là, moi qui me croyais seul, je m’aperçois que tout plein de chats occupent les parages. Ils sont de toutes les sortes, mâles et femelles, habitants des pierres comme de leur royaume. Je caresse ce peuple d’un regard en visite. Tout ce déballage de pierres en forêt leur sied au poil, tellement qu’ils en ont le secret, dérobé à la vue. J’en vois, certains des greffiers disparaître par je ne sais où, au moyen de ce qui me paraît être une fuite ni plus ni moins de la circulation. J’approche. En réalité, ils entrent sous terre par une fente ouverte comme pratiqué à leur intention.

« -Que voulez-vous spécialement monsieur ? Je puis vous aider, si vous y tenez… « 

Je sursaute à cette présence soudaine, je me retourne et je vise une femme, campée là, le poing au côté, qui me toise avec l’air décidé d’une nature dont la paix est troublée. La créature sourit maintenant, comme les yeux habillés du charme échappé de son âme. Quel étrange rencard devant lequel je reste coït. Quoi lui dire ? Je ne sais que formuler de phrases.  Ca ne vient pas. Je lui cause pas par mutisme, non, mais parce que je crois que l’essentiel est ailleurs; à partir de l’écoute que j’ai d’elle. Le chant de son grelot conduit mes songes. Je la regarde avec le chien qu’elle a de sa tournure; un galbe du râble que c’en est une invite.

« -Je ne suis pas seule vous savez… « 

 Je m’attends à ce qu’elle sorte de sa compagnie un cavalier attaché à ses services. Mais c’est une autre société dont elle me vante la présence.

« -Je ne suis pas seule vous savez… Elle me dit ça tout aussi à l’aise que si elle me montrait ses nèfles. Désirez-vous un de réconfort face à ce monde contemporain qui vous englobe ? J’ai des ouvertures pour un repos de l’âme avec des créatures de ma nature. Est-ce que ça vous dit de tenter l’aventure proposée ?

-Mais où ?

-Suivez-moi. Seulement, auparavant, je vous demande de vous engager à demeurer discret quand à votre expérience… « 

 L’offre me paraît alléchante et je réponds : « -Je suis votre homme…

-En ce cas, prouvez-le ! « 

Les échos de la suite ne sont pas disponibles, mais les ruines conservent leur version de ce qui fut une nouba des sens.

                                                                                                                                                                                                                             Le 01 mars 2016.

                                                                                                                                                                                                                                         C.B.

Le secret des ruines

            De cheminer, nous allons loin vers chez nous, transportant le secret des ruines. De nouvelles, inconnues jusque-là nous apparaissent. Un paysage tout emporté de destruction, de ravages jusqu’à l’ailleurs de notre vue. Le temps semble traduire en désolation notre absence, comme si le monde courait à sa perte sans nous. Par où s’y retrouver une piste ?

                                                                                                                                              Le 10 juin 2014.

                                                                                                                                                          C.B.

L’ailleurs des ruines

   « -Vous voilà au secret du lieu et de son peuple !  » nous lance mon hôte. Mathilde, songeuse, se tait. C’est le mot peuple qui la retient. Allons-nous devenir des enfants de ce peuple à notre tour ? Ca se joue selon notre volonté et une idée commune point en nos deux caberlots : ouvrir l’entreprise familiale à l’ailleurs des ruines.

                                                                                                                                                                     Le 25 mars 2014.

                                                                                                                                                                                   C.B.