Eux, c’est l’inverse de Juliette et Roméo. Ils se haïssent comme il le faut. Sans rancune recuite entre familles, seul à seul, Pépa et Pedro se tirent la bourre. Mais quelque chose de gratiné pour des marcous. Sur le tombeau de ces sortes d’amours, ils en useront encore de fiel, de rancoeur, de vomissures crachantes. Ils se reconnaissent en ennemi l’un de l’autre, comme si Pepa sacralisait là le coeur de son veuvage. Pedro ne sera jamais son Tchiki claboté. Elle vit d’un mort de toute sa rage. Et c’est ainsi qu’elle reste fidèle, là où l’autre n’a pas sa place.

Le 3 mars 2018. C.B.

À l’écoute de son silence

…ma chatte et moi.

Sans un mot dire je parle avec. Elle me sait à l’écoute de son silence par lequel elle se raconte. Je parviens à percer le sens de ce qu’elle n’exprime pas. Il me faut pour cela avoir le contrôle du flux entre nos âmes, ce fin contact où elle reçoit cinq sur cinq ce que je tais. Ca n’est pas une prose d’un genre nouveau, mais tout l’échange entre ma chatte et moi.

Le 16 janvier 2017. C.B.

À ma santé

À regarder ma chatte boire
Je suis saisi comme d’un espoir.
Sa jolie langue me raconte
Comme le tout début d’un conte.

À coups râpeux, elle boit de l’eau
À s’en ravir plein le goulot
Avec ce charme du naturel
Qui lui échappe en don sensuel.

Ma chatte boit à ma santé
Une eau pure, et ainsi fêté
Je lui retourne le compliment
Servi d’un bon verre de crémant.

Nous sommes ainsi unis nous deux
Pour un souper en amoureux
Au clair de lune de nos chandelles
Elle allumée, et moi fou d’elle.

Elle manie les jolis couverts
Avec grâce, autant que les verres
Dont elle se sert en délicate,
En savourant tout mon picrate.

Ma greffière est une raffinée,
Une féline de touche satinée
Qui vit en couple fort de son homme,
Car c’est de la sorte qu’elle me nomme.

 

Le 26 février 2018. C.B.

Un visiteur

Je recherche les occasions
Où mon sens de l’observation
Peut se nourrir de ces secrets
Qui chez les autres sont encrés.

D’observer seul ne suffit pas;
Il faut aussi se mettre au pas
De ce mental de mon prochain
Avec lequel je suis en train….

J’échange de façon non connue
À l’insu de mon inconnue,
Et en revanche est-ce-qu’elle sait
Qu’à elle je dois tout mon succès ?

L’âme se visite par la fiction
En de multiples apparitions,
Qui me ménage une voie vers vous
Sans nous fixer de rendez-vous.

Un jour ou l’autre je lui serai
Un visiteur venu d’après,
Un visiteur du souvenir
Parce qu’il a su lui venir,

À cette femme et la peupler
De son monde à lui isolé,
Et l’y laisser aux aventures
De ce double de sa créature.

Le 9 décembre 2017. C.B

Un trouveur

Je ne suis qu’un trouveur de vers,
Un vrai trouveur, pas un trouvère,
Mais un chercheur de fantaisie
Qui se pique de poésie.

Mes rimes sont l’âme de mes regrets
Et de mes songes les reflets
Desquelles je ne puis m’échapper
Qu’en m’inventant des épopées.

Je suis le roi des inventeurs
Avec trois mots comme un conteur;
Je n’ai pas plus à proposer
Qu’un instant ma pensée posée.

Le 18 janvier 2018. C.B.

Le jour J

Le jour J où il est mort, j’ai pas pleuré sur sa perte. J’en ai eu d’autres qui me reviennent et amplifiées de par l’absence. Le jour J des obsèques de Jhonny, moi je pensais à Georges Brassens, à Pierre Desproges, à Phonse Treglede, et à d’illustres inconnus au bataillon. Je peux pas m’y faire de pleurer en réunion et sur commande. Je trouve que les miens me manquent un peu partout de ma souffrance, et ça personne me cautérise les plaies. J’en ai des plaies par toute l’histoire, et quand elles se rouvrent, je veux pas que vous soyez là. Ce sont mes ruines.

Le 15 décembre 2017. C.B.

Un ample vent de la tempête

Un ample vent de la tempête
Qui en mon âme se répète
Caresse la plaine de partout
Comme un souffle de bout en bout.

C’est la bourrasque des colères
Qui nous foudroie du sol à l’air
Avec des rages emportées,
Accrochant par tous les côtés.

Allongé au creux de mon lit
J’écoute ces ruines à la folie
Monter le son de leur courroux
Bien à l’abri de mes verroux.

De ces furies je me remplies;
Tout à l’action qui s’accomplit
Avec du cœur des éléments
Un complément à mon tourment.

Le 11 décembre 2017. C.B.

Je suis une ombre perdue au nombre

Déjà je suis d’oubli de vous,
Et cela me plaît je l’avoue
De rester l’inconnu de tous;
Ce péloquin qui passe en douce.

Je me promène parmi vous autres
Qui épouse d’un bord sur l’autre
Avec l’aisance d’un roi de rien
Toutes vos ondes en vrai marin

Parmi vous, je suis à la mer
Et je vais où mon pas se perd
Chercher les ruines qui se dérobent
À la surface de ce globe.

Dedans vos rangs, je suis l’absent
Au point de fuite intéressant;
Je n’ai pas le contact humain
A me frayer en vous, chemin.

Je suis le seul de ma nature
Au secret de ses aventures,
Une ombre exclue sans nul échange
Et qui jamais ne se mélange.

Je suis aussi mort que vivant,
Un moins que l’autre le plus souvent,
Mais c’est mon sort que de manquer
Après une fois tout abdiqué.

Je suis une ombre perdue au nombre,
Je suis un flou, je suis un sombre,
Pas un reflet de connaissance
Ni même un lien avec un sens.

Et cependant, je suis bien là
Aussi ailleurs que me voilà,
Sorti de la face cachée
De la lune quand elle est couchée.

Je n’ vous lâche pas par où que j’aille
Là où le monde est à la taille
De mon errance entre vos traces,
D’un bout à l’autre de votre race.

Je suis en trop, un étranger,
Ne sachant pas se mélanger;
Un qui se fond en  relations
Au domaine des apparitions.

Le 6 décembre 2017. C.B.

Où mon père…

Venu du bord de tout oubli, j’ai rencontré un mien perdu, au commencement de la nuit où l’ombre porte en ses replis comme le fruit d’une liaison. Il m’a parlé du cimetière où l’on croit qu’il est conservé, quand c’est des ruines dont il se pare pour résider. Il m’a dit de ne pas chercher un début à leur découverte, car lui seul peut me contacter. Les ruines secrète de son absence forment l’endroit de mes regrets.

Le 10 novembre 2017. C.B.

Je serai seul quand je mourrai
Comme on l’est de toute sa vie,
Je serai seul sans nul auprès
Que cette absence qui nous ravit.

J’y suis déjà depuis longtemps
Et je sais que rien ne m’attend
Qu’un jour ou nuit trouver mes ruines
Ailleurs, ou sur terre angevine.

Le 30 octobre 2017, C.B.