Sa nuit à lui rêve pour vous

De ces poêtes infréquentables
Marck Winter renverse la table.
Il a des lettres de noblesse
Et l’art des saillies qui nous blessent.

Il ne rime que pour le plaisir
D’entre ses griffes nous saisir,
Et caresser d’un air flatteur
Toutes nos absences de hauteur.

Il ne fouille qu’à travers les failles
Le fin menu de ces trouvailles
Que sont les âmes répandues
Au hasard des secrets perdus.

Il est au saut de nos errances
Le miroir feint d’indifférence,
Le roi des peintres de nos semblances
Qui nous double par ces coups d’avance

Maître Winter arpente le glauque

Et les cloaques de toute époque

Où il dév’loppe sa malfaisance

Avec le sourire de l’aisance

 

Au simple espoir en le malheur

Il se trouve toujours à l’heure,

Là où vous croyez caché

Aux ombres du soleil couché.

 

Sa nuit à lui rêve pour vous;

Il vous emmène au rendez-vous

De ses histoires les plus tordues

Entre les songes défendus.

 

Le 13 juin 2018.

C.B.

 

 

 

Marck Winter

Il s’appelle Marck Winter

Sous un blason d’emprunt il s’appelle Marck Winter,
Et savez-vous comment je connais son mystère
À celui qui s’illustre sur la fange et la honte
Au service du démon dont son oeuvre est la ponte ?

Je le sais en son antre où personne ne pénètre
Hormis les créatures enfantées par son être.
Je le sais en puissance de ce chibre démoniaque
Pour lequel par les nuits il refourgue sa niaque.

Jeunes femmes abandonnées, tremblez de tous vos sens,
Car ce bougre se veut de votre connaissance !
Fuyez par tous les diables au loin de sa rencontre
Et protégez votre âme avant qu’il ne se montre.

Le 15 mai 2018. C.B.

Habitants des nuits

Oubliés des songes aux autres, ils se manifestent à mon âme. Ils voyagent là où je ne puis aller qu’en ombre, c’est à dire loin des foules. Ils ne comptent plus leurs morts. Ils en sont revenus chaque fois comme en une nouvelle vie. J’ai pas besoin du sombre pour me montrer la nuit à eux. Je les sais à mon attente, sur des reliefs inaccessibles envahis par les os de la terre que sont les pierres sortant du sol. Ici, même un suicide passerait inaperçu, sauf des habitants de la nuit, habitués du néant où se terre les absences. Les habitants de la nuit gardent en eux le souvenir des traces humaines comme en réserve de l’oubli.

Le 30 avril 2018. C.B.

Je vis de ton charme

À Isabelle.

D’où me viennent mes larmes ? D’où que j’aille les puiser je n’en sais la provenance, même en sniffant les vapeurs d’intraveineuse à ma portée. Je crois que mes larmes remontent à la source du chagrin de te perdre. C’est pourtant toi qui veille sur mon modeste somme, toi qui soigne mon âme en visitant mes songes. Toi, la dame aux yeux creux, tu m’offres le repos au couvert de ton ombre. Mais même couché au plume des souffrants, tu me gardes une place ailleurs qu’à l’agonie. Je ne suis pas de ces malades à la traîne des soins, quoi que je ne les juge pas. Je suis habillé de la tristesse du mort soigné par la camarde. Je me situe sous ta gouverne, et je vis de ton charme sur moi répandu.

Le 10 avril 2018. C.B.

Plus ailleurs

La lande de Lessay

Ce coin est solitaire
Comme un songe sur la terre
Où l’âme se retranche
Après les dernières branches.

Car on est sur une lande
Où se groupent en bande
Des vieilles pierres moussues
De ce sol le dessus.

Qui y passe son chemin
N’a pas les cartes en main,
Car il peut disparaître
D’un seul coup, tout son être.

Certes, l’endroit sélectionne
Les gens qu’il affectionne
Afin de les ravir
Sur le vif, là où virent

Les éléments tangibles
Où l’humain devient cible
Et se fond corps et âme
Sans espoir de sésame.

Ces secrets en réserve
Font que ces lieux se servent
A dispo de présences
Qu’ils transforment en absences.

Combien les cherchent depuis
Ces disparus du puits
Où s’escamote la vie
Pour certains, à l’envi ?

Et par ou s’en vont-ils
Si leur perte est utile ?
Qu’on sache qui les dérobe
En ce point de ce globe.

C’est une sente boisée
Où la chose est aisée,
Où l’être devient ombre
Pour s’extraire du nombre,

Et, oublié de lui
Sombrer en de la nuit,
En la nuit des absents
Où coulent le fleuve sang.

Ce fleuve charrie les pertes
Comme des proies offertes;
Il trimballe les enfuis
Et fait taire les bruits.

Ainsi, les détenus
De ce coin seul et nu
Composent-ils un monde
En dimension seconde.

Le 6 mars 2018 C.B.

Mes contemporains

Je n’ai pas l’âme de mes contemporains. Je parle au sens où je ne suis pas en relation avec eux. Je ne suis pas de leur peuple. Je suis un autre à jamais de ce monde qui est le leurre. Ca n’est pas un caprice d’une mode inventée par mes soins. C’est un profond constat de rupture entre vous et moi. Nous ne sommes pas unis, ni divorcés, nous vivons en étrangers. Nous nous cotoyons en cela même que je ne montre pas ma différence d’avec vous. Je donne le change, mais je vous fuis de toute ma présence. Je suis issu d’une autre force que le partage.

Le 4 mars 2018. C.B.

En trop

Il me manque des ruines pour exprimer le vide au delà d’où je songe, comme si j’étais de trop. Oui,je me sens de trop par tout le temps lassé, où même d’être seul n’aboutit qu’à un leurre. Rien ne se remet avec toi que le lien de l’absence. Où es-tu sans fantôme à croiser sur le chemin du deuil. Je me cherche une âme tellement je me perds à bout de souvenance. Je me perds car je me sens en trop, à la charge de la solitude qui ne me porte plus. Si seulement le chant me venait de ta voix…

Le 25 mars 2018. C.B.

À l’écoute de son silence

…ma chatte et moi.

Sans un mot dire je parle avec. Elle me sait à l’écoute de son silence par lequel elle se raconte. Je parviens à percer le sens de ce qu’elle n’exprime pas. Il me faut pour cela avoir le contrôle du flux entre nos âmes, ce fin contact où elle reçoit cinq sur cinq ce que je tais. Ca n’est pas une prose d’un genre nouveau, mais tout l’échange entre ma chatte et moi.

Le 16 janvier 2017. C.B.

Un visiteur

Je recherche les occasions
Où mon sens de l’observation
Peut se nourrir de ces secrets
Qui chez les autres sont encrés.

D’observer seul ne suffit pas;
Il faut aussi se mettre au pas
De ce mental de mon prochain
Avec lequel je suis en train….

J’échange de façon non connue
À l’insu de mon inconnue,
Et en revanche est-ce-qu’elle sait
Qu’à elle je dois tout mon succès ?

L’âme se visite par la fiction
En de multiples apparitions,
Qui me ménage une voie vers vous
Sans nous fixer de rendez-vous.

Un jour ou l’autre je lui serai
Un visiteur venu d’après,
Un visiteur du souvenir
Parce qu’il a su lui venir,

À cette femme et la peupler
De son monde à lui isolé,
Et l’y laisser aux aventures
De ce double de sa créature.

Le 9 décembre 2017. C.B

Un trouveur

Je ne suis qu’un trouveur de vers,
Un vrai trouveur, pas un trouvère,
Mais un chercheur de fantaisie
Qui se pique de poésie.

Mes rimes sont l’âme de mes regrets
Et de mes songes les reflets
Desquelles je ne puis m’échapper
Qu’en m’inventant des épopées.

Je suis le roi des inventeurs
Avec trois mots comme un conteur;
Je n’ai pas plus à proposer
Qu’un instant ma pensée posée.

Le 18 janvier 2018. C.B.