En commun

Moi qui voulais être peinard sur le tarmac de mes idées tôt le matin, la voilà qui se réveille de la surveillance de sa vioque, et si nous pouvions seulement nous bécoter en nous pelotant, mais non ! V’là la smala qui se radine des autres qui me polluent la grâce de l’aube avec leur présence. Je veux pas en être du nombre des autres. Je veux pas partager avec eux. Et ils s’imposent à ma solitude. Je ne suis pas du vivre ensemble à la con qui nous est imposé. Je veux pas que ça se passe bien entre vous et moi. Je me tape pas du mieux ou du meilleur. Je ne souhaite plus vous voir rassemblés  autour de moi, car c’est une farce que votre société ! Ce qui me convient, c’est le silence et pas de vous en comité !

Le 26 juillet 2018. C.B.

Sa nuit à lui rêve pour vous

De ces poêtes infréquentables
Marck Winter renverse la table.
Il a des lettres de noblesse
Et l’art des saillies qui nous blessent.

Il ne rime que pour le plaisir
D’entre ses griffes nous saisir,
Et caresser d’un air flatteur
Toutes nos absences de hauteur.

Il ne fouille qu’à travers les failles
Le fin menu de ces trouvailles
Que sont les âmes répandues
Au hasard des secrets perdus.

Il est au saut de nos errances
Le miroir feint d’indifférence,
Le roi des peintres de nos semblances
Qui nous double par ces coups d’avance

Maître Winter arpente le glauque

Et les cloaques de toute époque

Où il dév’loppe sa malfaisance

Avec le sourire de l’aisance

 

Au simple espoir en le malheur

Il se trouve toujours à l’heure,

Là où vous croyez caché

Aux ombres du soleil couché.

 

Sa nuit à lui rêve pour vous;

Il vous emmène au rendez-vous

De ses histoires les plus tordues

Entre les songes défendus.

 

Le 13 juin 2018.

C.B.

 

 

 

Marck Winter

Il s’appelle Marck Winter

Sous un blason d’emprunt il s’appelle Marck Winter,
Et savez-vous comment je connais son mystère
À celui qui s’illustre sur la fange et la honte
Au service du démon dont son oeuvre est la ponte ?

Je le sais en son antre où personne ne pénètre
Hormis les créatures enfantées par son être.
Je le sais en puissance de ce chibre démoniaque
Pour lequel par les nuits il refourgue sa niaque.

Jeunes femmes abandonnées, tremblez de tous vos sens,
Car ce bougre se veut de votre connaissance !
Fuyez par tous les diables au loin de sa rencontre
Et protégez votre âme avant qu’il ne se montre.

Le 15 mai 2018. C.B.

Habitants des nuits

Oubliés des songes aux autres, ils se manifestent à mon âme. Ils voyagent là où je ne puis aller qu’en ombre, c’est à dire loin des foules. Ils ne comptent plus leurs morts. Ils en sont revenus chaque fois comme en une nouvelle vie. J’ai pas besoin du sombre pour me montrer la nuit à eux. Je les sais à mon attente, sur des reliefs inaccessibles envahis par les os de la terre que sont les pierres sortant du sol. Ici, même un suicide passerait inaperçu, sauf des habitants de la nuit, habitués du néant où se terre les absences. Les habitants de la nuit gardent en eux le souvenir des traces humaines comme en réserve de l’oubli.

Le 30 avril 2018. C.B.

La fin de moi

Elle me revient par tous les bouts, la fin de moi. Je me mets alors sur mon trente et un de tristesse d’une réserve d’où je puise bien avant le début de ma vie. Elle me revient comme si l’oubli se transformait en connaissance. Tous ceux qu’un manque a balayé de la souvenance s’arriment à mon caberlot quand il est ouvert. La fin de moi est une présence à ceux qui vont dispersés au large de la fuite. Je vais souvent jusqu’à la fin de moi au bord de mes limites visiter les extrêmes qui sont de me tenir un rang parmi les vivants. Mais à la fin de moi je plonge en un doute.

Le 18 avril 2018. C.B.

Je vis de ton charme

À Isabelle.

D’où me viennent mes larmes ? D’où que j’aille les puiser je n’en sais la provenance, même en sniffant les vapeurs d’intraveineuse à ma portée. Je crois que mes larmes remontent à la source du chagrin de te perdre. C’est pourtant toi qui veille sur mon modeste somme, toi qui soigne mon âme en visitant mes songes. Toi, la dame aux yeux creux, tu m’offres le repos au couvert de ton ombre. Mais même couché au plume des souffrants, tu me gardes une place ailleurs qu’à l’agonie. Je ne suis pas de ces malades à la traîne des soins, quoi que je ne les juge pas. Je suis habillé de la tristesse du mort soigné par la camarde. Je me situe sous ta gouverne, et je vis de ton charme sur moi répandu.

Le 10 avril 2018. C.B.

Plus ailleurs

La lande de Lessay

Ce coin est solitaire
Comme un songe sur la terre
Où l’âme se retranche
Après les dernières branches.

Car on est sur une lande
Où se groupent en bande
Des vieilles pierres moussues
De ce sol le dessus.

Qui y passe son chemin
N’a pas les cartes en main,
Car il peut disparaître
D’un seul coup, tout son être.

Certes, l’endroit sélectionne
Les gens qu’il affectionne
Afin de les ravir
Sur le vif, là où virent

Les éléments tangibles
Où l’humain devient cible
Et se fond corps et âme
Sans espoir de sésame.

Ces secrets en réserve
Font que ces lieux se servent
A dispo de présences
Qu’ils transforment en absences.

Combien les cherchent depuis
Ces disparus du puits
Où s’escamote la vie
Pour certains, à l’envi ?

Et par ou s’en vont-ils
Si leur perte est utile ?
Qu’on sache qui les dérobe
En ce point de ce globe.

C’est une sente boisée
Où la chose est aisée,
Où l’être devient ombre
Pour s’extraire du nombre,

Et, oublié de lui
Sombrer en de la nuit,
En la nuit des absents
Où coulent le fleuve sang.

Ce fleuve charrie les pertes
Comme des proies offertes;
Il trimballe les enfuis
Et fait taire les bruits.

Ainsi, les détenus
De ce coin seul et nu
Composent-ils un monde
En dimension seconde.

Le 6 mars 2018 C.B.

Mes contemporains

Je n’ai pas l’âme de mes contemporains. Je parle au sens où je ne suis pas en relation avec eux. Je ne suis pas de leur peuple. Je suis un autre à jamais de ce monde qui est le leurre. Ca n’est pas un caprice d’une mode inventée par mes soins. C’est un profond constat de rupture entre vous et moi. Nous ne sommes pas unis, ni divorcés, nous vivons en étrangers. Nous nous cotoyons en cela même que je ne montre pas ma différence d’avec vous. Je donne le change, mais je vous fuis de toute ma présence. Je suis issu d’une autre force que le partage.

Le 4 mars 2018. C.B.

Semblant

Je marche seul en moi comme au sein des sentiers les plus reculés de ma nuit. Je vais au pas d’une ombre qui se partage les rôles de tous mes disparus. J’embauche aussi des autres, ceux que l’absence ravit comme une perte récente. Ils me dépassent en nombre mais pas en volonté d’être de leur essence. Je suis l’absent au monde en dépit de mes formes qui me poussent à l’avant des rencontres. Mais qui parle en moi, sinon de mon semblant ?

Le 3 mars 2018. C.B.

En trop

Il me manque des ruines pour exprimer le vide au delà d’où je songe, comme si j’étais de trop. Oui,je me sens de trop par tout le temps lassé, où même d’être seul n’aboutit qu’à un leurre. Rien ne se remet avec toi que le lien de l’absence. Où es-tu sans fantôme à croiser sur le chemin du deuil. Je me cherche une âme tellement je me perds à bout de souvenance. Je me perds car je me sens en trop, à la charge de la solitude qui ne me porte plus. Si seulement le chant me venait de ta voix…

Le 25 mars 2018. C.B.