Attirance

Je ne parle pas de la mort, ça lui donne des ailes
À cette jolie demoiselle.
Mais que voulez-vous, en face de la disparue
Qu’est une femme croisée à la rue
Et de la force qu’elle représente pour mon désir
La mort en moi me fait gésir.
Anéanti de par la perte, je suis vaincu,
Sans réaction et sans accus.
Jamais elle ne saura en quoi cette attirance
Est le ferment de mon errance.
Je ne puis pas fixer mon âme à un appui ;
Tant elle s’approche du fond du puits.
Mais cependant le plus terrible à recevoir :
Elle m’abandonne sans le savoir.
Et auprès d’elle je ne suis même pas quelqu’un
Alors que ça fait rire d’aucuns.
Moi j’ai perdu toute ma substance par elle volée
Que je m’en sens un exilé,
De bout en bout jusqu’à n’en plus me retrouver,
Sauf à l’ailleurs, sans y rêver.
Je suis sans elle avec des ombres sur mon chemin,
Je caresse le spleen de ma main
Comme l’habitué de cet oubli où je me perds,
Lorsque c’est son charme qui opère.
Cet instant d’attirance au bout de mes regrets
Me fuit et puis il disparaît.
Je n’ai même plus de lien avec une déchirure
Que le chagrin prend pour parure.

Le 12 novembre 2018 C.B.

Je suis souvent avec ma mère

Je suis en charge d’un fantôme qui hante les travées de mon caberlot avec un charme volé aux songes. Mon imagination croise au large de son absence. Je lui sied de m’accorder visite. Parce qu’elle se refuse à manifester son autre en dehors de moi. Je la sais mienne. Entre les ombres de la nuit elle se déplace de l’une à l’autre jusqu’à la mienne où je l’attends. Et quand nos ombres ne font plus qu’une je suis son double. Je suis le sien là où son âme se propage au refuge de ma seule pensée. Avec elle je me sens en âge d’être un autre. Et j’en profite pour en chausser les bottes et me tirer ailleurs sur ces sentes où elle posait son oubli. Je les ai retrouvées entre des songes venus me rencarder : « — Ta mère y allait. Ta mère y allait. Vas-y à ton tour. Mais aie soin de croiser en dehors de tes pas ce qui est son absence.

 Le 9 novembre 2018 C.B.

Le marchand de Terres plates

En centre-ville il tient boutique en profondeur,, entre un libraire et une fleuriste, où il propose parmi des sosies de Kennedy, des lunes éteintes, des univers à la peau retournée, une kyrielle de planètes plates, dont la Terre. Tout est aplati sous son joug. Je suis désolée, mais sous cet aspect le globe terraqué ressemble à une merde plate. Et il en raffole, lui et son public, de cette masse roulée comme de la pâte à tarte. Elle porte tel un matricule son poids, et ainsi modifiée la terre plate est déclinée en plat à se raser, culinaire, baroque et autres présentations. Mais le plus beau de ces Terres plates sont qu’elles ressemblent, je vous l’assure, aux montres molles de Salvador Dali. On les dirait aussi tordues en tous les sens.

Le 2 novembre 2018. C.B.

Le verre d’eau

Que se passe-t-il ? Je trouve ce matin mon verre à vin rempli d’eau plate ! Quelle maladie s’empare de son sang ? Où a-t-il pu choper pareille robe ? S’agit-il d’une transmutation  à l’envers ? Où alors je comprends… Comme en le Horla, le narrateur qui clôt son verre avec une feuille et de quoi la maintenir dessus, le retrouve vide à son réveil. Moi, il ressort une variation de ce prodige du liquide. la flotte devient vin ! Et je ne plaisante pas d’un pouce.  Que pourrais-je tenter qui puisse vous convaincre que je dis vrai ? J’ai même pas à prouver d’abord. Je m’en vais jardiner, et je garde du pinard au frais pour tout à l’heure à déjeuner. Je dois planter trois rangs de laitue et deux d’oignons. Je travaille,  je sue un peu, j’ai soif, et je vais arroser… Autant en profiter pour boire l’eau de mon puits. J’en tire avec une chaîne à godets, et… qu’est-ce qui sort de là… ?

Du rouge. Il sourd du rouge de la terre. Je ramène du vin du ventre de mon jardin. Et bientôt c’est une production sans vignes qui fournit à ma consommation.

Le 29 août 2018. C.B.

Tu me reconnais pas ?

De passage en une rue montante, après un cimetière j’aperçois un chat couché. Il demande rien à personne, sauf que de me voir passer par là. Il a l’air des plus mal en point avant même que je ne sois sur lui. Il se traîne comme un cadavre vivant ravagé par un mal qui fait sourdre de la mousse en un coin de ses lèvres. J’ai cette formule où je résume tout mon trouble : « -Tu me reconnais pas  ? « 

Je ne sais si c’est ma voix qui le charme plus encore, mais il rampe en se tordant de convulsions avec le regard fixe comme s’il fermait déjà son âme. Je ne puis rien faire en face de ce pauvre marcou réduit à l’état de larve. Je ne dispose pas de trousse de médecin. Mon impuissance me suit cependant très au delà de la rencontre. Je pense à lui, à mon matou. Je pense que je n’ai pas eu les mots qu’il faut en semblable circonstance.

Aurais-je dû lui causer de la camarde qui le guettait ? Etais-je capable de me trouver à son trépas ? Je ne sais qu’une phrase à lui dire maintenant que je l’ai quitté : « -Je ne suis pas loin. Je ne suis pas loin… « 

C’est juste un baume sur sa douleur qui me révèle que je ne peux lui parler vraiment, qu’il m’est chagrin sans que j’y puisse…

Ce que je redoute, c’est qu’on ne le ramasse, tout incapable à se défendre qu’il est, et que de la sorte un autre ne me vole sa fin.

 

Le 20 octobre 2018. C.B.

L’éternel rêve humain

À Hubert-Félix THiéfaine

À depuis la nuit des temps remonte ce rêve de l’éternel humain : se voir après sa mort. J’aurais pas ce plaisir de prospérer en fantôme de mon autre. Se dépasser n’est pas de ma compétence. Je sais bien que c’est une responsabilité terrible que de ne pas rester pour ceux auxquels je conviendrai. Mais tous mes rendez-vous sont déjà pris avec l’absence. C’est ici mon point de rencontre.

Le 10 octobre 2018. C.B.

La Chimère

Par où allait-il donc ce couple de pêcheurs
Cherchant en quelque endroit à puiser la fraîcheur
De la mer en poisson comme le dû de leur sport ?
Il fréquentait la côte à l’écart de tout port.

Ce qu’il voulait surtout de toute leur aventure,
C’était percer ainsi le cœur de la nature
Et dénicher au pas l’escalier qui descend
Au travers de l’onde d’où le fond est absent.

Il caressait l’idée de ram’ner en surface
L’un de ces monstres enfouis épargné par la nasse
L’une de ces prises uniques, lorsque la création
Vole au secours d’un objet de la pure fiction.

Le jeudi 16 juillet 2018. C.B.

Au devant de rien

Au devant de rien. Ma vie repose sur le fait d’aller au devant de rien en une époque où l’on veut notre bien à tous. Moi, ce que je me souhaite c’est pas du bien, mais c’est du rien ! Je veux ma part de rien, de ce rien qui me revient. Je sais en mesurer ma quantité de ce rien dont j’ai besoin. Car j’ai besoin de rien, mais ça m’ suffit.

Celui qui laisse filer son rien perd beaucoup de sa niaque. Mon droit à vivre provient du partage de ce rien où chacun pioche. Est-ce j’ai bien à moi ma véritable part de rien, et pas celle d’un autre. Je voudrais comparer nos riens en connaissance de cause. se valent-ils ?

Je trace ma route à partir de rien parce que j’en sais par où me conduire. Cependant, les routes de rien mènent à loin. Comme les chats ont le sommeil pour s’évader, moi j’ai le rien en mes bagages, gage d’oubli. Et il suffit qu’il se dérobe pour que je cherche après son manque.

                                                                                                                                                                                                                         Le 4 août 2018. C.B.

En commun

Moi qui voulais être peinard sur le tarmac de mes idées tôt le matin, la voilà qui se réveille de la surveillance de sa vioque, et si nous pouvions seulement nous bécoter en nous pelotant, mais non ! V’là la smala qui se radine des autres qui me polluent la grâce de l’aube avec leur présence. Je veux pas en être du nombre des autres. Je veux pas partager avec eux. Et ils s’imposent à ma solitude. Je ne suis pas du vivre ensemble à la con qui nous est imposé. Je veux pas que ça se passe bien entre vous et moi. Je me tape pas du mieux ou du meilleur. Je ne souhaite plus vous voir rassemblés  autour de moi, car c’est une farce que votre société ! Ce qui me convient, c’est le silence et pas de vous en comité !

Le 26 juillet 2018. C.B.